Trois personnes ont été tuées et au moins 55 blessées au Pérou mercredi lors de violents heurts entre la police et des mineurs à Puerto Maldonado (est), signe des difficultés de l'Etat à juguler le secteur des mines artisanales ou clandestines dans l'est amazonien.
"Les violences ont causé la mort de trois civils, et fait 55 blessés, 38 civils et 17 policiers", a indiqué le gouvernement dans un communiqué en soirée, accusant les manifestants d'avoir utilisé "des armes de feu, explosifs et autres matériaux".
Le communiqué précise que 60 personnes ont été arrêtées, au terme d'une journée de violences à Puerto Maldonado, la capitale de 100.000 habitants de la province amazonienne de Madre de Dios, frontalière du Brésil.
Selon l'office du Défenseur des droits, au moins un des morts et cinq des blessés ont été atteints par balles, mais l'origine des tirs n'a pu être précisée.
Puerto Maldonado a été le théâtre de heurts et de batailles de rues dès l'aube, lorsque plusieurs milliers de manifestants ont tenté d'occuper l'aéroport et de bloquer des routes, érigeant des barricades enflammées.
Dans les rues, des mineurs ont ensuite affronté à coups de pierres et projectiles divers les policiers, qui ont répliqué notamment avec des gaz lacrymogènes.
"La police poursuit le rétablissement de l'ordre, a débloqué les principaux axes de communciation, et garantit le fonctionnement des marchés et commerces", a ajouté le gouvernement mercredi soir.
Selon le président de la province Luis Aguirre, quelque 10.000 manifestants avaient investi mercredi Puerto Maldonado, qui est restée paralysée la journée, classes suspendues et commerces fermés.
Depuis 10 jours, les mineurs de Madre de Dios protestent contre des décrets récents visant à réglementer le secteur minier artisanal de l'or: il va des petites mines plus ou moins formalisées aux mines totalement clandestines, qui abattent des arbres et draguent des rivières sans le moindre contrôle.
L'Etat, inquiet de l'impact destructeur sur la forêt amazonienne, a donné un tour de vis, encourageant les mines artisanales à se mettre sous 12 mois en conformité avec la loi et les normes environnementales, et a durci en même temps la répression.
Il a créé un délit spécifique d'extraction illégale, passible de 10 ans de prison, geste perçu comme une provocation par les mineurs.
Ils accusent l'Etat de criminaliser leur activité et de faire un amalgame entre "artisans" et "illégaux". Un dialogue entamé début mars avec les ministères des Mines et de l'Environnement s'est rompu lundi, provoquant un subit regain de tension.
"La situation a débordé et les conséquences pourraient être fatales, parce que le gouvernement ne veut pas instaurer un dialogue", a dénoncé à l'AFP par téléphone Luis Otzuka, président de la Fédération minière artisanale de Madre de Dios (Fenamad).
Depuis deux à trois ans, les gouvernements successifs d'Alan Garcia (centre-droit) puis d'Ollanta Humala (gauche nationaliste) tentent de museler l'activité minière illégale dans les régions amazoniennes.
Ce secteur est en forte expansion, en lien avec la flambée des cours de l'or ces dernières années. Il emploie plus de 20.000 personnes à Madre de Dios selon diverses estimations, jusqu'à 100.000 à l'échelle nationale.
Selon des chiffres ministériels, 30.000 hectares de forêt ont été détruits par l'extraction d'or illégale, sans compter la pollution au mercure, utilisé dans le processus.
Lors de diverses opérations coup de poing menées depuis six mois, des milliers de policiers et de militaires ont saisi ou détruit une centaine de dragues et d'excavateurs sur des fleuves de Madre de Dios.