Un rempart contre la tristesse. Dans "On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait en s’en allant", son premier roman, Marie Griessinger évoque l’impuissance d’une famille face à la maladie de Lewy, incurable, du patriarche. Parmi ces pages rapportant la douleur, et qui n’étaient au départ qu’un refuge, l’auteur se souvient des instants de bonheur d’une enfance idyllique.
A quel moment avez-vous commencé à écrire ?
La maladie de mon père dure maintenant depuis cinq ans. Au bout de deux, ça s’est aggravé et j’ai commencé à écrire. C’était comme une échappatoire. Je ne pensais pas que ça deviendrait un livre.
D’où vient ce titre bouleversant ?
Il s’inspire d’une citation de Prévert. C’est un ami qui, en lisant le manuscrit, m’a parlé de cette phrase. Il trouvait qu’il allait parfaitement avec cette phrase qui évoque la nostalgie, et qui veut simplement dire qu’on passe souvent à côté du bonheur sans y prêter attention. Quand on traverse des épreuves comme celle d’une maladie incurable, on prend soin du bonheur quand il se présente. On le saisit, on ne le laisse plus passer.
Quand on vous lit, on a du mal à croire que c’est un premier roman.
J’ai toujours écrit. Des poèmes, des nouvelles… Quand j’étais jeune, j’ai participé à des concours de jeunes écrivains. Puis j’ai été rédactrice dans la publicité. Ça m’a toujours suivi, mais je n’ai pas du tout confiance en moi, et écrire un roman était pour moi insurmontable. Mais parce qu’il répondait à une détresse, je l’ai écrit naturellement, sans le savoir.
Avez-vous beaucoup retravaillé le texte ?
J’avoue avoir toujours eu beaucoup de plaisir à revenir sur les mots. Je les ai toujours aimés. Par exemple, j’aimais beaucoup le dictionnaire. Pour moi, ce n’est pas un travail, c’est un plaisir de retravailler mes textes. Mais ici, il y a eu des passages qui sont sortis d’un coup, comme des fulgurances... Cela venait tellement du cœur et des tripes que je ne les ai pas du tout retouchés.
Cette expérience littéraire vous a-t-elle donné envie d’être de nouveau publiée ?
J’ai franchi le cap de me dire que je suis capable d’écrire un livre. Je suis d’ailleurs en train d’en rédiger un autre. Cette fois-ci, tout à fait romancé et fictif.
Que retenez-vous de cette épreuve ?
Il faut rester optimiste. Le bonheur flamboyant d’une enfance merveilleuse dans des paradis perdus n’est plus là. Mais même avec la maladie, on peut retrouver une autre forme de bonheur. Mon père ne peut plus parler, ni bouger, mais il suffit qu’il sourit, qu’il réagisse quand un de mes enfants vient l’embrasser, de voir le bonheur apparaître sur son visage… Il est différent de celui qu’on connaissait mais il est toujours là. Et en s’aimant, en étant une famille unie, on peut garder le bonheur dans le foyer.
"On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait en s’en allant", de Marie Griessinger, Editions Albin Michel, 12 €.
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