La comédienne Noémie de Lattre, qui secoue les consciences tous les dimanche et lundi avec son spectacle humoristique «Féministe pour Homme» à La Pépinière théâtre, va donner une représentation exceptionnelle vendredi 8 mars, à l'occasion de la Journée des droits des Femmes. Un concept qu'elle déteste pourtant.
Comme elle le dit elle-même sur scène avec son franc-parler ravageur, «remplacez Femme par Noir, et vous verrez tout de suite que ça pique : aujourd'hui, c'est la journée du Noir!». «Concerts, spectacles, expositions, bars à saucisses, marathon d'aspirateurs et lâché de salopes, c'est la fête à la femme!» précise-t-elle, au cas ou le spectateur n'ait pas bien compris le genre de stéréotypes auxquels nos sociétés s'accrochent, parfois même sous couvert de bonne volonté. La comédienne et auteure de théâtre Noémie de Lattre, voit donc dans cette Journée mondiale de la Femme une occasion plus qu'une conviction.
Car pour la gent féminine, «l'inégalité homme-femme, c'est tout les jours, et ça commence dès le matin», annonce-t-elle en préambule, les spectateurs à peine assis dans la salle, alors que la néo-quarantenaire en serviette éponge effectue un check up détaillé de son apparence, de la tête au pied, en passant pas «ses faux seins» et «ses fesses en béton» à force de tenir sur les nerfs, et sur des talons.
La cause des femmes, «accessible à tous»
Et puisque son spectacle Féministe pour Homme, né en 2017, en pleine affaire Weinstein et autre # MeToo, continue de remplir la salle de La Pépinière, après La Nouvelle Seine et Le Café de la Gare, c'est que sa croisade pour cet «humanisme comme les autres, et non des femmes contre les hommes», commence à porter ses fruits.
A voir les réactions du public, avec qui elle joue sans retenue, son discours fait mouche. Les hommes se sentent ainsi tour-à-tour jugés, coupables, puis rassurés et confortés dans leurs bonnes intentions, tandis que les femmes y verront une occasion difficilement plus drôle de faire le plein d'arguments et de formulations en tout genre pour défendre une cause «accessible à tous». Ici donc, point de féminisme guerrier râbaché par une «vieille fille aigrie à aisselles velues».
Noémie de Lattre, qui officiait sur France Inter et a déjà connu le succès grâce à son livre « Un homme sur deux est une femme » (Flammarion), use de tous les artifices pour attirer l'attention, déroule son manifeste à vitesse grand V, et montre la même liberté de ton, de sujets et de traitements sur scène que celle qu'elle applique à sa propre existence. En effet, quelles que soient les époques ou les pays, c'est toujours le même dilemme : comment s'affirmer comme une femme libre, active, aussi épanouie dans sa vie sexuelle que dans la construction de son couple ou de sa carrière, le tout avec ou sans enfant !
La réponse, elle la livre avec ses mots, parfois crus et provocateurs, mais jamais inutilement. Une liberté qu'on retrouve aussi dans la construction même du show, qui se donne les apparences d'un stand-up pour éviter toute rigidité professorale. Le spectacle ne s'impose aucune contrainte, et oscille entre la conférence, anatomique - mais oui, le clitoris est bien le seul organe exclusivement dédié au plaisir-politique ou historique, très instructive, participative et ludique, jusqu'à l'effeuillage, version girl power sur le tube Run the world de Beyoncé.
Jusqu'au témoignage final, bouleversant, durant lequel elle égrène les violences subies par les femmes à travers le monde, des victimes du fondamentalisme religieux à celles qui meurent sous les coups de leur conjoint. Une longue liste qui semble ne jamais se terminer, et qui pourrait presque faire relativiser celle de la comédienne, elle qui est «femme de 40 ans, blanche, parisienne, et heureuse en couple». A croire que parmi les Académiciens, qui viennent enfin, d'accepter la féminisation des noms de métiers, ceratins ont déjà fait le détour à La Pépinière.