L'Élysée a annoncé que la «loi spéciale», évoquée par Emmanuel Macron lors de son allocution aux Français le jeudi 5 décembre, sera présentée en Conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, avant d'être discutée le lundi 16 décembre à l'Assemblée nationale.
Un outil législatif rare pour éviter une paralysie de l'administration française. Évoquée par Emmanuel Macron durant son allocution du 5 décembre dernier à la suite de la censure du gouvernement Barnier, la «loi spéciale» sera présentée dès ce mercredi 11 décembre lors du Conseil des ministres, a annoncé ce mardi l'Élysée, avant d'être discutée le lundi 16 décembre à l'Assemblée nationale.
Cet outil législatif rare doit permettre à l'appareil d'Etat de fonctionner en l'absence de promulgation d'un budget au 1er janvier.
Qu’entend-on par «loi spéciale» ?
C'est l'un des instruments permettant au gouvernement d'éviter une paralysie administrative si un budget de l'Etat ne peut être promulgué au 1er janvier. L'article 47 de la Constitution dispose que «le Gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts» et ouvre par décrets les dépenses nécessaires au fonctionnement de l'Etat.
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dessine deux voies : demander avant le 11 décembre à l'Assemblée de voter sur la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, ou déposer avant le 19 décembre un «projet de loi spéciale» pour continuer à percevoir les impôts après le 1er janvier, le temps que le Parlement adopte un vrai projet de loi de finances.
Pour des raisons liées à la situation politique et/ou au calendrier serré, Emmanuel Macron semble donc avoir tranché en faveur de la deuxième option.
Quelles sont les chances pour que la loi spéciale soit adoptée ?
La loi spéciale ne revêt pas de réel caractère politique. En 1979, le gouvernement avait dû y recourir après censure du budget par le Conseil constitutionnel (pour des raisons de procédure). Et son article unique ne présentait aucune aspérité.
Il est difficile d'imaginer un groupe politique aller contre une loi permettant uniquement à l'Etat de fonctionner. C'est une loi que «nous voterons évidemment», a fait savoir Marine Le Pen (RN). Elle permettra «de tenir quatre à six semaines, en attendant un nouveau budget», a estimé Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.
L'exécutif réfléchit toutefois à y intégrer plusieurs articles supplémentaires, peut-être jusqu'à «quatre ou cinq», selon une source gouvernementale. Et ce, notamment pour permettre à l'Acoss, trésorier de la Sécurité sociale, de continuer à emprunter sur les marchés financiers, de permettre à l'Agence France Trésor de le faire aussi, voire pour graver dans la loi les contributions de l'Etat à l'UE, contestées par le RN, et aux collectivités.
Que permettrait cette loi spéciale ?
La loi spéciale permettrait le strict minimum, à savoir percevoir les impôts selon les barèmes du projet de budget 2024, sans les nouvelles mesures fiscales prévues dans le PLF 2025 pour réduire le déficit.
Le gouvernement ne pourra pas non plus dépenser plus que les crédits votés l'an dernier sans faire adopter de véritable budget.
«Les services publics fonctionneront, les entreprises pourront travailler, nos obligations seront tenues», a résumé Emmanuel Macron lors de son allocution.
La loi spéciale a-t-elle un impact sur l’impôt sur le revenu ?
Il faut savoir que la loi spéciale ne reconduisant que les impôts dans leur version 2024 ne permettrait pas, a priori, de revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu. Et 380.000 nouveaux ménages deviendraient sur le papier imposables, selon l'OFCE.
Est-ce qu'un amendement à la loi spéciale pourrait régler le problème ? La manœuvre comporte un « risque d'inconstitutionnalité», s'inquiète-t-on au ministère du Budget, en l'absence de jurisprudence.
Une autre solution serait de prévoir l'indexation dans un nouveau texte budgétaire en 2025, avant que les ménages en question ne rentrent dans la catégorie imposable. Il faudra toutefois faire adopter ce texte de loi.
«C'est nécessaire pour en effet protéger les Français des hausses d'impôts mécaniques liées à l'inflation», a insisté Emmanuel Macron, disant «refuse(r) que les Français paient la facture de cette censure».