Le président de la République Emmanuel Macron a annoncé ce samedi à Strasbourg que l'historien et résistant Marc Bloch, «l'homme des Lumières dans l’armée des ombres», assassiné par la Gestapo en 1944, allait entrer au Panthéon.
«Pour son œuvre, son enseignement et son courage, nous décidons que Marc Bloch entrera au Panthéon», a déclaré ce samedi le chef de l'Etat Emmanuel Macron à l’occasion du 80e anniversaire de la Libération de Strasbourg, le 23 novembre 1944. Depuis 2017, le président de la République a déjà panthéonisé l'écrivain Maurice Genevoix, la figure politique française et européenne Simone Veil, la star du music-hall Joséphine Baker et le résistant communiste d'origine arménienne Missak Manouchian.
Il a aussi annoncé celle de Robert Badinter, le père de l'abolition de la peine de mort décédé le 9 février, qui entrera au Panthéon avant Marc Bloch en 2025, a-t-on précisé dans l'entourage présidentiel. La famille de Marc Bloch a salué sa panthéonisation, 80 ans après sa mort, à laquelle appelaient depuis longtemps responsables politiques et historiens. «C'est une très grande émotion et fierté. Il s'est donné corps et âme pour la liberté et contre le nazisme», a déclaré sa petite-fille Suzette Bloch.
Professeur d'histoire du Moyen-Age à l'université de Strasbourg de 1919 à 1936, Marc Bloch a renouvelé en profondeur le champ de la recherche historique en l'étendant à la sociologie, la géographie, la psychologie et l'économie. En 1929, il a notamment fondé avec Lucien Febvre la revue des «Annales d'histoire économique et sociale», à la résonance universitaire mondiale.
Un récit «pour les générations à venir»
Capitaine et Croix de guerre en 1914-1918, de nouveau mobilisé en 1939, Marc Bloch a analysé de façon implacable dans «L'Etrange défaite» la débâcle française face à l'offensive allemande en mai-juin 1940. Un récit «pour les générations à venir», a souligné Emmanuel Macron, en évoquant la «volonté française émoussée par le conservatisme, endormi par le conformisme, amolli par la bureaucratie, si délaissée par une partie de ses élites». «Lucidité cinglante qui nous frappe aujourd'hui encore», a-t-il ajouté.
Resté en France malgré la répression qui s'abattait sur les juifs, Marc Bloch s'engage dans la Résistance en 1943, dont il devient un des chefs pour la région lyonnaise. «Marc Bloch ne désespéra jamais du ressort de notre peuple, certain que le courage n'est pas une affaire de carrière ou de caste», a résumé Emmanuel Macron. Il est arrêté le 8 mars 1944 à Lyon, emprisonné et torturé à la prison de Montluc, et fusillé le 16 juin avec 29 de ses camarades.
Dans une lettre au président de la République, dont l'AFP a obtenu copie, la famille demande, au regard de son engagement, que «l'extrême droite, dans toutes ses formes, soit exclue de toute participation à la cérémonie» d'entrée au Panthéon. «L’œuvre de ce patriote convaincu est profondément antinationaliste, construite contre le roman national et la réduction de l'histoire française aux frontières nationales», écrivent sa petite-fille Suzette Bloch et son arrière-petit-fils Matis Bloch, au nom des ayants droit.
Le 19 février, la présence de Marine Le Pen à la panthéonisation de Missak Manouchian, contre l'avis de ses descendants et du président, avait fait polémique. Quelques jours plus tôt, elle avait en revanche renoncé à se rendre à l'hommage national à Robert Badinter. La famille souhaite aussi que l'hommage soit «purement civil», comme Marc Bloch le demandait dans son testament.