Le sommet du G20 s'ouvre ce lundi au Brésil, avec en point d’orgue la potentielle signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Un traité rejeté par les agriculteurs français qui dénoncent une «concurrence déloyale» et le non-respect des «normes européennes».
Un poids lourd de l'économie mondial. Plus connu sous son acronyme Mercosur (abréviation de l’espagnol «Mercado Común del Sur»), le Marché commun du Sud est une alliance économique et politique majeure fondée en 1991 par le Traité d'Asunción, qui rassemble plusieurs pays d'Amérique du Sud. L'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay en sont les membres permanents, tandis que d'autres pays y ont ensuite été associés, tels que la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Équateur, Guyana, le Pérou et le Suriname. En 2006, le Venezuela est devenu membre permanent avant d’être suspendu en décembre 2017 pour «non-respect de la charte de son marché commun».
L’objectif initial de cette zone de libre-échange est le développement économique de ses pays membres, notamment à travers la libre circulation des biens, des personnes, et des capitaux entre les pays, ainsi que la suppression des droits de douane. Les échanges sont aussi favorisés par l’établissement d’un tarif extérieur et d’une politique commerciale commune vis-à-vis des États ou alliances d'États tiers.
Le Mercosur est le troisième bloc économique mondial en termes de volume d'échanges, précédé de l’ACEUM (accord entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) et de l’Union européenne. L’alliance rassemble plus de 82% du PIB total de l’Amérique du Sud. Le Brésil représente 55% du PIB de la zone. Elle représente un marché cumulé de plus de 295 millions de personnes et un produit intérieur brut (PIB) combiné dépassant 2.700 milliards de dollars. Mais l'impact du Mercosur va au-delà de ses frontières, notamment avec des accords commerciaux, dont des négociations historiques avec l'Union européenne.
Fruit d’une négociation longue de près de vingt ans, l’entente UE-Mercosur est l’un des accords commerciaux les plus importants du monde, avec près de 780 millions de personnes concernées et des volumes d’échanges compris entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations. Les négociations - commencées en 2000 - ont abouti politiquement en 2019 à la signature d’un protocole d’accord. Mais l’opposition de plusieurs pays, dont la France, a bloqué son adoption définitive, défendue en revanche par l’Allemagne. Certains termes de l’accord font notamment l’objet d’un fort rejet de la part des agriculteurs français.
Concrètement, l’accord prévoit de supprimer intégralement ou partiellement, en fonction des produits, les droits de douane entre les pays membres de l’UE et du Mercosur, notamment sur les questions industrielles (véhicules, médicaments...) et agricoles. Principal point de crispation : la question alimentaire. L’accord prévoit d’instaurer des quotas en dessous desquels les produits sud-américains ne seraient pas taxés : 180.000 tonnes par an pour le sucre, 100.000 tonnes pour les volailles et 99.000 tonnes pour le bœuf. La liste complète inclut également de la viande porcine (25.000 tonnes par an) ou encore du riz (60.000 tonnes par an).
En échange, des taxes imposées aux produits européens par le Mercosur seraient supprimées sur de nombreux produits : le vin, le chocolat, les biscuits, les boissons gazeuses ou encore les spiritueux. Les produits laitiers ainsi que les fromages produits au sein de l’UE seraient quant à eux concernés par des «larges quotas» sans taxes.
«Une concurrence déloyale»
Les grands syndicats d’agriculteurs dénoncent une «concurrence déloyale» des grandes exploitations sud-américaines. Dès 2018, l’ancienne présidente de la FNSEA - principal syndicat d’agriculteurs - Christiane Lambert, s’inquiétait du projet d’accord UE-Mercosur. «30.000 élevages sont en péril et quatre filières sont concernées : l’éthanol, le sucre, la filière bovine et la volaille», expliquait-elle à l'époque.
Les agriculteurs réclament également que les produits importés soient soumis aux mêmes normes que les produits français. Fin 2023, les interprofessions françaises du sucre, de la volaille, des céréales et de la viande ont regretté l’absence de «clauses miroirs» sur les «normes de production environnementales et sanitaires». Ces derniers craignent donc que le marché européen soit inondé de produits ne respectant pas les normes européennes, comme les maïs OGM ou le «poulet dopé aux antibiotiques».
La france résiste, l'UE semble déterminée
Mercredi 13 novembre, Michel Barnier s'est exprimé à l'issue d'une rencontre avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. «J'ai dit à la présidente que, dans les conditions actuelles, cet accord n'est pas acceptable par la France et il ne le sera pas», a-t-il déclaré à des journalistes.
Dénonçant «l'impact désastreux que cet accord aurait sur des filières entières notamment de l'agriculture et de l'élevage», le Premier ministre a ajouté : «Nous sommes en solidarité avec le monde agricole sur cette question qui inquiète beaucoup, à juste titre. Je recommande qu'on ne passe pas outre la position d'un pays comme la France».
L'Union européenne semble pourtant déterminée à signer cet accord d'ici la fin de l'année, malgré l'opposition de Paris. Pour espérer bloquer la décision, la France doit réunir une minorité de blocage, constituée d'au moins quatre Etats, au sein du Conseil qui regroupe les membres de l'UE.
L'Autriche et la Pologne ont régulièrement exprimé leur opposition mais cela reste insuffisant. Toutefois, Michel Barnier a assuré ce mercredi que les craintes françaises sont présentes «dans beaucoup de pays européens». «Vous le verrez dans les temps qui viennent», a déclaré le Premier ministre.