La présence d'un triangle rouge sur la veste de Manuel Bompard a été remarquée, ces derniers jours. Mais quelle est l'origine de cet insigne et pourquoi des élus de gauche le portent-ils ?
Un symbole intriguant. Porté au revers de la veste par plusieurs membres du Nouveau Front populaire, à commencer par Manuel Bompard, mais aussi Jean-Luc Mélenchon, le triangle rouge inversé a soulevé de nombreuses interrogations, ces derniers jours.
Ce symbole apparu en France à la fin du XIXe siècle, peut avoir plusieurs sens. D'abord symbole de revendication ouvrière, puis marque des prisonniers politiques dans les camps de concentration nazis, il a plus récemment été utilisé, à l'image de la pastèque, en signe de «résistance» à Gaza, interprété par certains comme un signe de soutien au Hamas.
Lutte ouvrière, prisonniers politiques des nazis, et «résistance» à gaza
Le triangle rouge est apparu pour la première fois en France le 1er mai 1890. Alors que les ouvriers défilaient dans les rues de la capitale pour réclamer de meilleures conditions de travail, ces derniers ont choisi d’arborer ce fameux triangle de cuir rouge pour se différencier des simples badauds. À l'époque, ce sigle est utilisé pour symboliser la revendication ouvrière de la journée de huit heures de travail maximum, avec huit heures de sommeil et huit heures de loisirs. L'inscription «1er Mai, 8 heures de travail» était cousue sur le triangle pour la manifestation.
Près d’une cinquantaine d’années plus tard, le triangle rouge a ensuite été utilisé par le régime nazi pour marquer les prisonniers politiques dans les camps de concentration pendant la Seconde guerre mondiale. Après 1939, avec quelques variantes d'un camp à l'autre, les catégories de prisonniers ont ainsi été identifiées par un système de marquage combinant un triangle inversé coloré et des lettres, cousus sur leurs uniformes rayés. Les badges permettaient aux gardes SS de connaître le motif de l'incarcération.
Les criminels étaient distingués par un triangle inversé vert ; les prisonniers politiques (communistes, résistants…) portaient un triangle rouge ; les asociaux (dont les Tsiganes, les non-conformistes, les vagabonds) portaient un triangle noir ou - pour les Tsiganes dans certains camps, un triangle marron. Les homosexuels étaient identifiés par un triangle rose et les Témoins de Jéhovah par un triangle violet. Les prisonniers non allemands étaient identifiés par la première lettre du nom allemand de leur pays, qui était cousue sur leur badge.
Les deux triangles qui formaient le badge en forme d'étoile juive étaient jaunes, à moins que le prisonnier juif en question ne fasse également partie d'une autre catégorie de prisonniers. Un prisonnier politique juif, par exemple, était identifié par un triangle jaune sous un triangle rouge. À la fin de la guerre, en souvenir des déportés politiques, les militants antifascistes se sont réappropriés le triangle rouge, notamment lors des manifestations contre l’extrême droite.
Depuis, le symbole du triangle rouge a été utilisé pour soutenir différentes causes à travers le monde, et notamment en signe de «résistance» à Gaza après la réponse militaire d’Israël, consécutive aux attentats du 7 octobre 2023, perpétrés par le Hamas. Interprété par certains comme un symbole de soutien aux populations déplacées, victimes des bombardements et de l’intervention militaire terrestre d’Israël, d’autres voient en cet insigne un symbole de soutien au Hamas, et donc un caractère antisémite.
Insigne porté depuis 2017
Si des internautes et certaines personnalités publiques ont suspecté, parfois accusé Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard de porter cet insigne pour affirmer leur soutien au Hamas, notamment après les polémiques et accusations d’antisémitisme portées à l’encontre de membres de la France insoumise, les deux élus de gauche portent en réalité le triangle rouge depuis la campagne pour l'élection présidentielle française de 2017.
À cette époque, Jean-Luc Mélenchon, ensuite imité par de nombreux membres de son parti, a choisi de porter cet insigne qui lui a été offert par un syndicaliste de la Fédération générale du travail de Belgique, pour marquer sa lutte contre l’extrême droite. Il ne l'a plus quitté depuis lors de chacune de ses apparitions publiques. Même constat pour Manuel Bompard, qui a été aperçu à de nombreuses reprises par le passé portant ce triangle symbolique.
Interrogé sur ce symbole, le leader de LFI s'en était expliqué il y a quelques années, confirmant l'origine de l'insigne avant d’expliquer qu’il s’est mis à l’arborer «en permanence» en réaction aux «opposants politiques de la droite» qui le comparaient à l’extrême droite. «J'étais ulcéré qu'on m'ait comparé au Front national (...) et un camarade belge m’a dit qu’il me donnait son triangle rouge, insigne des déportés communistes dans les camps de concentration nazis. Donc depuis, je le mets et je ne l'enlève plus, jusqu'à ce que soit ravalé dans la gorge ce qu'ils ont dit sur moi», avait-il déclaré.
Des propos qui résonnent particulièrement avec la situation actuelle, où la France insoumise est régulièrement mise sur le même plan que le Rassemblement national, qualifiés tous deux «d’extrêmes», notamment par le président de la République, malgré une décision rendue à ce sujet par le Conseil d’État.