Le commissaire Grégoire Chassaing est jugé à partir de ce lundi devant le tribunal correctionnel de Rennes pour son implication dans la mort de Steve Maia Caniço, un jeune homme de 24 ans tombé dans la Loire lors de la Fête de la musique en 2019.
Près de cinq ans après la noyade mortelle de Steve Maia Caniço, pendant la Fête de la musique 2019 à Nantes, un commissaire de police sera jugé ce lundi devant le tribunal correctionnel de Rennes, pour homicide involontaire. Il encourt jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, peine maximale prévue pour un homicide involontaire sans circonstance aggravante.
Une opération qui tourne mal
Ce soir de juin 2019, les policiers ont été appelés pour lancer une opération destinée à faire cesser une soirée improvisée sur l'île Beaulieu, à Nantes, organisée pour la Fête de la musique. Comme les années précédentes, malgré l'absence d'autorisation officielle, la pratique est tolérée jusqu'à 4h du matin. Puis les forces de l'ordre ont demandé à chaque DJ d'éteindre la musique. Les premiers ont obtempéré, mais pas l’un des derniers groupes, qui a opposé une résistance en remettant la musique à plusieurs reprises.
La situation s’est alors envenimée et le commissaire Grégoire Chassaing a demandé à ses hommes d’aller au contact des jeunes, qui ont répliqué en envoyant des projectiles. Trois minutes après, les fonctionnaires ont répondu avec du gaz lacrymogène, d'après l'enquête dirigée par deux juges d'instruction. Un nuage de fumée a enveloppé le quai où les participants étaient installés. Au total, une trentaine de grenades lacrymogènes, 12 balles de défense (LBD) et dix grenades de désencerclement ont été tirées. La situation ne s’est finalement apaisée qu'à l'aube.
Mort par noyade
Présent lors des festivités sur l'île Beaulieu, Steve Maia Caniço, un animateur périscolaire de 24 ans, a été signalé disparu le 23 juin 2019, deux jours après les faits. Dans son dernier SMS en date du 22 juin à 3h12 du matin, adressé à l’un de ses amis, le jeune homme a indiqué qu’il se sentait «trop fatigué» et qu’il avait «besoin d’aide». Près d’une heure plus tard, ses amis n’avaient plus aucune nouvelle de lui, mais plusieurs témoins ont rapporté avoir vu une personne dériver dans l’eau, puis couler, peu de temps après l’intervention des policiers.
Le corps de Steve Maia Caniço a finalement été découvert dans la Loire plus d'un mois après, le 29 juillet. Les analyses médico-légales ont conclu à une mort par noyade. L'enquête a déterminé qu'il a chuté depuis le quai, qui n'est pas équipé de barrières, sans pouvoir situer l'endroit précisément. Les expertises de son téléphone, retrouvé sur lui, ont permis d'établir l'heure exacte de sa chute à 4h33. L'expertise toxicologique a confirmé que le jeune homme avait bu de l'alcool mais, selon ses amis, il n'était pas ivre. À noter que Steve Maia Caniço ne savait pas nager.
une «succession de comportements fautifs»
Selon les juges d’instruction, le commissaire Grégoire Chassaing se serait rendu responsable d’une «succession de comportements fautifs». En voulant aller «au contact», il s'est «manifestement écarté de la doctrine du maintien de l'ordre», ont-ils écrit dans leur ordonnance de renvoi pour homicide involontaire, rendue le 18 décembre 2023. «Plutôt que de calmer les choses, l'attitude du commissaire Chassaing va contribuer à sensiblement envenimer la situation», ont-ils précisé.
L'usage des armes «est d'autant plus disproportionné qu'il a été fait de nuit, sans sommations préalables, sans visibilité aucune et sans discernement», ont souligné les deux magistrats. Ils lui reprochent enfin de n'avoir pas pris en compte «la configuration des lieux et des risques de chute avérés» en bord de Loire. Les magistrats ont établi que «dès 4h31», soit deux minutes avant la chute du jeune homme, les grenades lacrymogènes ont été envoyées en direction des fêtards, provoquant un premier mouvement de refoulement.
Les magistrats estiment donc que le commissaire a commis une «faute caractérisée» et «involontairement causé» la mort du jeune homme et les juges devront déterminer si sa responsabilité est effectivement engagée. Le procès doit durer cinq jours.