Les conflits aux portes de l’Europe et les tensions à l’international ont fait de la défense un thème de campagne majeur pour les élections européennes. À quelques jours du scrutin, voici un condensé des propositions des principales listes sur ce thème.
La guerre en Ukraine, déclenchée il y a plus de deux ans par la Russie, a propulsé la question d’une défense commune de l’Union européenne au premier plan. Faut-il construire une armée européenne ? Les budgets alloués aux armées doivent-ils être augmentés ? Comment garantir la protection des pays membres de l’Union européenne tout en œuvrant pour la paix en dehors de ses frontières ? Autant de questions auxquelles les têtes de listes aux élections européennes ont dû répondre.
Jordan Bardella - Rassemblement national (RN)
Le Rassemblement national défend l'idée d'une Europe qui respecte les souverainetés nationales, et notamment en matière de défense. La tête de liste RN, Jordan Bardella, prône donc des coopérations militaires «consenties» entre les États membres. Il souhaite également soutenir une production européenne d’armement, afin de moins dépendre des productions hors-UE, notamment venant des États-Unis.
Après plus de deux ans de guerre, le RN reste opposé à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, et Jordan Bardella a peu voté les mesures de soutien à Kiev ou de condamnation de la Russie au Parlement européen ces dernières années. Le Rassemblement national a de nombreuses fois été pointé du doigt pour ses liens présumés avec le régime de Vladimir Poutine.
Jordan Bardella s’est cependant dit favorable, en mars dernier, à l’utilisation des avoirs gelés russes (206 milliards d'euros) pour financer l’effort de guerre en Ukraine, et affirme dans son programme que la Russie a violé le droit international en envahissant son voisin.
Valérie Hayer - Renaissance
Le programme de la majorité présidentielle pour les élections européennes s’articule autour de la coopération entre les États membres pour une véritable «Europe de la Défense». La liste «Besoin d’Europe», menée par Valérie Hayer, propose dans un premier temps d’augmenter les budgets européens en la matière, avec un investissement de 100 milliards d’euros grâce à la mobilisation de la Banque européenne d’investissement. Elle souhaite également que le budget alloué à la défense de chaque pays membre de l'UE atteigne 2% de son PIB d’ici à 2025, puis 3% d’ici à 2030.
Valérie Hayer souhaite également la création d’une force européenne de 5.000 agents «prêts à se déployer rapidement en cas de crise en dehors de l’Union Européenne pour assurer la protection de nos ressortissants ou l’acheminement sécurisé d’aide humanitaire».
La majorité présidentielle souhaite enfin continuer à soutenir l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie, à la fois sur le plan militaire mais aussi en encourageant la diplomatie.
Raphaël Glucksmann - PS, place publique
Les socialistes veulent eux aussi «réarmer» le continent européen avec un objectif clair : «donner à l’Europe les moyens de se défendre» en tant qu’entité. Pour ce faire, la liste PS-Place publique portée par Raphaël Glucksmann propose également la création «d’un fonds européen de défense de 100 milliards d'euros», financé par un emprunt commun, pour investir dans «nos industries de défense et renforcer nos capacités de production». Le programme prévoit aussi un «Buy European Act» dans les secteurs stratégiques, et notamment dans l’armement, pour que les investissements européens bénéficient aux industries européennes.
Le programme des socialistes donne aussi sa priorité au soutien militaire de l’Ukraine afin de «protéger l’Europe». Pour cela, Raphaël Glucksmann entend saisir les 206 milliards d’avoirs publics russes gelés, pour les affecter à l’aide à la résistance ukrainienne. Les socialistes proposent par ailleurs de faire pression sur les États membres pour qu’ils fournissent les armes demandées par les Ukrainiens et renforcent les sanctions contre le régime russe.
Plus globalement, le programme PS-Place publique prévoit de lutter contre les ingérences étrangères en développant les capacités françaises de lutte contre la manipulation de l’information et les cyberattaques. Ils proposent une Commission d’enquête sur les usages de TikTok en Europe, une législation sur la protection de la démocratie, et la coordination de la lutte contre le terrorisme en créant un protocole européen de partage du renseignement.
François-Xavier Bellamy - LEs Républicains (LR)
Candidat de la droite conservatrice, François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains, souhaite également augmenter le budget de la défense au niveau européen. Comme Valérie Hayer, il propose d’imposer à chaque État membre de consacrer au moins 3% de son PIB annuel à la défense, afin de renforcer l’industrie européenne mais aussi de soutenir l’Ukraine contre l’invasion russe, et ainsi consolider l’OTAN.
Cette augmentation du budget de la défense doit aussi servir, selon François-Xavier Bellamy, aux industries et entreprises européennes, et non pas à des acteurs extérieurs à l’Union. Il propose donc que les dépenses du FED (Fonds européens de défense) et les commandes de l’AED (Agence européenne de défense) ciblent davantage des entreprises européennes, citant lui aussi l’important nombre de commandes d’armement passées aux États-Unis.
Selon l’élu LR, l’Europe n’est par ailleurs pas prête à «assumer de nouveaux élargissements». Il s’oppose donc à l’entrée de l’Ukraine au sein de l’UE, mais souhaite continuer à apporter un soutien militaire et financier massif à Kiev pour repousser l’armée russe.
Enfin, François-Xavier Bellamy estime que la défense européenne doit aussi passer par la mobilisation de la jeunesse. Il souhaite donc mettre en place une formation de deux mois pour tous les garçons et filles du territoire européen, pour les sensibiliser aux enjeux de la défense. Cette formation pourra permettre à ceux qui le souhaitent d’intégrer d’autres services liés, comme la Garde nationale, la police ou la gendarmerie.
Manon Aubry - La france insoumise (LFI)
Alors que la France insoumise a fait de la question des conflits internationaux, et notamment de la situation à Gaza, une priorité de campagne, la sécurité et la défense de l'Union européenne sont donc au coeur de son programme. À cet égard, la liste portée par Manon Aubry préconise une amélioration de la défense «européenne» dans le cadre de la pérennisation de la clause de défense mutuelle entre les Etats membres de l'UE (article 42, paragraphe 7 du TUE) plutôt que celui de l'OTAN.
Selon le programme de LFI, l'OTAN est «une extension des intérêts géopolitiques des Etats-Unis» à laquelle l'Europe et la France ne doivent pas être «arrimées ni vassalisées». LFI souhaite ainsi rejeter les directives de l’OTAN concernant la sécurité et la défense européenne mais aussi pour l’acquisitions conjointe ou la production d’armes. Pour les remplacer, la liste LFI propose l’organisation d’une conférence sur les frontières et la sécurité collective en Europe pour prévenir l’émergence de nouveaux conflits sur le continent européen et résoudre les conflits actuels.
LFI souhaite également faciliter la coordination des États européens, au cas par cas, pour des missions militaires conjointes dans le cadre d’interventions effectuées sous la bannière de l’ONU, et prioriser les coopérations stratégiques de la France avec les pays européens ayant des intérêts communs, en particulier au service de la paix dans le bassin méditerranéen.
Côté armement, la liste de Manon Aubry propose de mettre en place un protectionnisme industriel militaire pour cesser de dépendre des exportations de régimes ne respectant pas le droit international. Sur le nucléaire, si LFI évoque une volonté de «désarmement nucléaire multilatéral et coordonné» les insoumis souhaitent maintenir «le caractère national de la dissuasion nucléaire française».
À l’international, LFI entend incarner «la voix de la paix» en Europe en poursuivant le soutien militaire à l’Ukraine et en agissant pour créer un cadre diplomatique permettant d’obtenir un cessez-le-feu, le retrait des troupes russes, et l’ouverture de négociations pour une paix durable. Au Proche-Orient, la liste LFI réclame un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, et exige que la France cesse de livrer des armes à Israël. Enfin, LFI propose d’oeuvrer pour un traité international de démilitarisation de l’espace, réaffirmant le principe de non-appropriation des ressources et des territoires, et la régulation des activités spatiales humaines.
Marie Toussaint - Europe écologie - Les Verts (EELV)
Le programme de défense de la liste EELV portée par Marie Toussaint s’articule en faveur d’une défense européenne. Celui-ci prévoit de garantir l’autonomie stratégique du Vieux continent en constituant une armée européenne, mais également une stratégie politique commune «dans un monde marqué la dérive impérialiste de la Russie à l’Est et l’inconstance de l’allié américain historique à l’Ouest». Selon EELV, il est essentiel «de produire en Europe ce dont nous avons besoin en Europe. Notre souveraineté doit être industrielle, alimentaire, diplomatique et militaire».
Dans le détail, les Écologistes proposent de créer «un poste de commissaire à la défense au sein de la prochaine Commission européenne», mais aussi de «soutenir la mise en place d'achats en commun des principaux systèmes d'armement». Ils soulignent vouloir «produire des armes en Europe, pour ne pas s'exposer à de nouvelles dépendances toxiques».
Marion Maréchal - Reconquête
«L’Europe de la défense», Marion Maréchal ne veut pas en entendre parler. La tête de liste de Reconquête, le parti d’extrême droite d’Éric Zemmour, refuse l’idée d’une armée européenne, ou du partage de la «dissuasion nucléaire française». Son programme officiel ne comprend presque aucune proposition sur les questions de défense, si ce n’est d’interdire «le financement des achats d’équipements militaires et d’industrie de défense non-européens par des fonds européens, que ce soit via la FEP ou le FED».
Léon Deffontaines - Parti communiste français (PCF)
Le programme du Parti communiste français prône une autonomie stratégique en matière de défense et de politique industrielle. Pour atteindre cette autonomie, le PCF souhaite sortir du «cadre contraint des politiques de l’OTAN» qu’il considère comme étant «le bras armé des États-Unis» et qu’il entend dissoudre. Selon le programme de Léon Deffontaines, la France doit rester souveraine en matière de défense et concernant les industries qui servent cette défense (armement, munitions…). L’Union européenne doit également garantir que ces industries demeurent sous contrôle public.
Si le PCF souhaite maintenir un soutien à l’Ukraine en répondant à ses demandes au niveau militaire, le programme prévoit une ligne rouge concernant la livraison de toute arme offensive capable de frapper le territoire russe, ou l’envoi de troupes au sol, ce qui ferait de la France un «cobelligérant du conflit». Selon le PCF, la France doit ainsi «prendre l’initiative de former une coalition internationale pour la paix, en toute indépendance de l’Otan et des États-Unis», qui doit se construire sur les principes suivants : l’indépendance de l’Ukraine, le retrait des troupes russes et la neutralité du pays sous garanties de la communauté internationale et de l’ONU.
Enfin, le programme du PCF prévoit des négociations sur la crise chypriote, des collaborations militaires avec des pays au cas par cas, via un traité de sécurité collective notamment autour de la Méditerranée, pour la sureté de cet espace commun. Il prévoit également la ratification du traité d’interdiction des armes nucléaires (Tian) de l’ONU, ainsi que l’opposition au projet d’armée européenne.