Gage de confiance pour les investisseurs, la note souveraine de la France a été rétrogradée par l'agence S&P ce vendredi. Une mauvaise nouvelle dont l'impact économique à court terme devrait toutefois être limité.
Pour la première fois depuis 2013, l'agence de notation S&P (Standard & Poor's) a dégradé la note de crédit de la France, de «AA» à «AA-». Sachant que ce score évalue la capacité d'un pays à rembourser ses dettes et constitue un gage de confiance, ou non, pour les investisseurs, doit-on s'attendre à des conséquences économiques pour la France ?
Le principal risque est un mouvement de défiance des investisseurs et un alourdissement de la charge de la dette. Mais, interrogé par l'AFP, l'économiste Sylvain Bersinger affirme que «les expériences passées (...) montrent que ça n'a pas vraiment de répercussions», notamment parce que la note souveraine de la France, bien que dégradée, reste bonne.
D'après les critères de l'agence S&P un double A, même suivi du signe moins, indique une capacité française «très forte» à honorer les échéances de sa dette. A titre de comparaison, la meilleure note, symbole d'une excellente gestion, est AAA tandis que la pire, signe de défaut de paiement, est C ou D.
Quelles conséquences pour les Français ? Je vous réponds.
L’intégralité de la vidéo est à retrouver sur YouTube : https://t.co/Y62DtQjFgL pic.twitter.com/owcrOYQwNe— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) June 1, 2024
«Pour l'instant la dette française est toujours recherchée, c'est une dette qui est toujours considérée comme une des plus sûres du monde, l'Etat français n'a pas de problème aujourd'hui pour lever de la dette», développe Sylvain Bersinger.
D'un point de vue politique, l'impact risque d'être davantage mesurable. Le gouvernement pourrait en effet utiliser cette dégradation de la note souveraine du pays pour justifier de prochaines salves de coupes budgétaires dans le budget 2025. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a d'ailleurs rappelé que son objectif est de «revenir sous les 3% de déficit en 2027» mais, globalement, il s'est montré rassurant.
La note de la France «a changé parce que notre niveau d'endettement a augmenté», a-t-indiqué dans une vidéo publiée sur X. «C'est un choix que je revendique» et qui a permis de «sauver l'économie française face à la crise du Covid et face à la crise de l'inflation», a-t-il ajouté.
La France «en milieu de tableau»
La dégradation de la note française «ne changera rien à votre vie», a par ailleurs assuré le ministre, s'adressant directement aux Français. Tout simplement parce que ça ne changera rien à notre stratégie de rétablissements des finances publiques [...] Nous avons engagé 20 milliards d'euros d'économies sur les dépenses de l'Etat en 2024 [...] Nous avons commencé à sortir des dispositifs exceptionnels de protection face à l'inflation et face au Covid. Nous allons poursuivre exactement dans la même voie.»
Pour les groupes d'opposition en revanche, la décision de S&P illustre la gestion budgétaire «catastrophique» du gouvernement d'Emmanuel Macron, selon les mots utilisés par Marine Le Pen, cheffe des députés du Rassemblement national.
A l'international, la France se situe «un peu en milieu de tableau» parmi les pays développés avec cette nouvelle note, selon Sylvain Bersinger. Elle est moins bien notée par S&P que l'Allemagne (AAA) ou l'Autriche (AA+), mais fait mieux que l'Espagne (A) ou l'Italie (BBB). A noter que la France est mieux notée par l'agence Moody's, qui lui attribue un «Aa2», équivalent d'un «AA» pour S&P.
Cette dernière a justifié sa décision d'abaisser la note de la France en avançant que «la dette publique française en proportion du PIB allait augmenter en raison des déficits plus importants que prévu en 2023-2027». S&P juge par ailleurs peu probable que le déficit français soit ramené sous 3% du PIB en 2027 comme le projette Bruno Le Maire : elle table plutôt sur 3,5% à cette date. L'agence a accompagné sa note d'une perspective «stable» qui indique qu'elle n'envisage pas de la modifier à moyen terme.
L'agence Fitch avait déjà retrogradé la note française de «AA» à «AA-» fin avril 2023. A l'époque, ses analystes avaient évoqué «des déficits budgétaires importants et des progrès modestes» pour justifier leur décision. Cet épisode et celui de vendredi sont désagréables, mais leur impact est moindre que celui de la perte du triple A français, infligé par S&P et Moody's en 2012, puis par Fitch en 2013.