Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé son intention d'augmenter le salaire net des Français. Pour cela, le locataire de Bercy entend modifier le financement de notre modèle social en transférant des cotisations prélevées sur les salaires, vers un autre impôt, qui pourrait être la TVA ou la CSG.
Mieux rémunérer le travail. C’était l’une des promesses de Gabriel Attal lors de son discours de politique générale : faire en sorte que le travail soit plus rémunérateur. Pour ce faire, Bruno Le Maire, entend s’attaquer à la question du salaire net, quitte à bousculer le financement de notre modèle social, en transférant des cotisations salariales sur la TVA ou sur la CSG. C’est ce qu’on appelle la méthode de la TVA (ou de la CSG) sociale. Objectif : récupérer 60 milliards d’euros pour les Français.
La France championne des prélèvements
Contrairement aux idées reçues, les salaires des Français ne sont pas spécialement bas. Ils sont simplement particulièrement prélevés. En effet, ce que l’on appelle le «super brut», c’est-à-dire le salaire avec les cotisations salariales et patronales, est dans la moyenne haute européenne. En revanche, lorsque l’on applique l’ensemble des cotisations, ces dernières pèsent sur le salaire net, qui est, lui, relativement plus bas, la France étant l'un des pays qui applique le plus de prélèvements. Mais ces cotisations financent notre modèle social puisqu’elles payent l’assurance chômage, la santé, la retraite ou encore la politique familiale.
Si les Français sont donc majoritairement prélevés sur le travail, et donc sur le capital, ils le sont en revanche beaucoup moins sur la consommation. Selon les chiffres de l’Insee, la France se situe en 24e position de l’Union européenne concernant le niveau des prélèvements sur la consommation, autrement dit de la valeur de sa TVA. L’une des solutions avancées par Bruno Le Maire pour augmenter le salaire net des Français est donc de modifier le financement de notre modèle social, pour transférer des cotisations salariales vers la TVA. C’est la méthode de la TVA sociale.
TVA sociale
Contrairement à ce que l'expression «TVA sociale» pourrait laisser penser, il ne s’agit pas de créer une nouvelle taxe sur la valeur ajoutée ou d’augmenter le taux de TVA pour financer des mesures destinées à améliorer la condition d’une catégorie de la population (salariés, personnes à faibles revenus...). Le terme de «TVA sociale» décrit un système qui consiste à modifier le financement de la Sécurité sociale : les cotisations prélevées sur les salaires seraient diminuées et cette baisse des recettes compensée par des points de TVA en plus.
En d'autres termes, ce qu’on appelle mettre en place un dispositif de TVA sociale consiste donc, d’une part, à diminuer les cotisations patronales (et éventuellement salariales) et, d’autre part, à augmenter le taux de TVA (taux réduit et/ou taux normal) et à affecter au budget de la Sécurité sociale les recettes fiscales correspondantes. À cet égard, Bruno Le Maire émet l’hypothèse de transférer 5 points de cotisation sur la TVA, ce qui correspondrait à environ 60 milliards d’euros.
Un impact qui dépend des entreprises
Mais l’impact réel de cette mesure dépend de ce que feront les entreprises. En effet, pour les entreprises, la baisse des cotisations patronales correspond à une diminution de leurs coûts salariaux. L’impact effectif d’une telle réforme sur les uns et les autres sera variable selon la façon dont cette baisse des coûts sera répercutée par les entreprises.
Si les entreprises utilisent la baisse des cotisations pour augmenter les salaires, comme le souhaite Bruno Le Maire, elles ne peuvent pas baisser leurs prix hors TVA car cela annulerait la baisse des coûts salariaux. Dans ce cas, les prix, TVA comprise, augmenteraient. C’est l’inconvénient majeur du dispositif. Toutefois, pour les salariés, la hausse des salaires serait sans doute un peu supérieure à celle des prix à la consommation.
Mais les entreprises pourraient également faire le choix d’utiliser cette baisse de cotisations pour diminuer leurs prix de vente hors taxe, ce qui ne permettrait pas d’augmenter les salaires, mais permettrait en revanche de stabiliser les prix, en supportant la hausse de la TVA. Elles pourraient aussi choisir de ne pas augmenter les salaires ni de baisser les prix, afin de réaliser de meilleures marges pour devenir plus compétitives. Dans ces deux cas de figure, l'objectif de Bruno Le Maire ne serait pas atteint. L'efficacité d'une telle mesure implique donc un contrat tacite avec les entreprises pour augmenter les salaires.
CSG sociale
L’autre solution envisagée par le ministre de l'Économie est de basculer ces cotisations, non plus vers la TVA mais vers la CSG. Le principe est le même que pour la TVA sociale, mais la facture est payée différemment. En effet, contrairement à la TVA qui est payée à un niveau équivalent par tous les Français, la CSG est un impôt indexé sur les salaires. L’avantage est donc que ce basculement est plus «juste» puisqu’il est supporté par tous les salariés français, en fonction de leur niveau de rémunération, le tout sans effet inflationniste. L’inconvénient est néanmoins que l’augmentation du salaire net est réduite, puisque la baisse des cotisations est compensée par une hausse de la CSG.
Dans un sens comme dans l’autre, si Bruno Le Maire veut augmenter le salaire net des Français, et donc baisser les cotisations, il faudra le compenser par la hausse d’un autre impôt. Reste désormais au ministre de prendre sa décision. Une décision qui sera particulièrement scrutée, alors que Bruno Le Maire se trouve déjà sous le feu des critiques en raison de la hausse du déficit public.