Le député MoDem, Romain Daubié, a déposé une proposition de loi visant à autoriser les commerçants à afficher les visages des auteurs de vols ou d’incivilités dans leurs magasins ou sur les réseaux sociaux. Une pratique pour l’heure interdite en France.
Alors que le nombre de vols à l’étalage ne cesse d'augmenter en France, les commerçants, confrontés au droit à l’image, ne peuvent afficher les images des auteurs de ces larcins dans leurs magasins ou sur les réseaux sociaux, sous peine de poursuites judiciaires.
Face à ce fléau, le député du MoDem, Romain Daubié, a soumis une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour permettre aux commerçants d’exposer les auteurs de délits.
Concrètement, cette proposition de loi répondra aux attentes de nombreux commerçants, notamment ceux appartenant au collectif «Ras le vol», qui ont réclamé en premier lieu des actions concrètes pour lutter contre ce phénomène, en permettant la diffusion des images de vidéoprotection, sur les réseaux sociaux ou dans les magasins, pour identifier les voleurs, les dissuader de revenir et, dans le même temps, simplifier le travail des forces de l’ordre et de la justice.
42.000 délits en 2022
Selon des statistiques du ministère de l’Intérieur, le nombre de vols à l’étalage a bondi de plus de 14% entre 2021 et 2022. Cela représente environ 42.000 délits, qu’on observe principalement dans des petits commerces (supermarchés, pharmacies...) localisés aussi bien dans les grandes villes qu’en zone rurale. Selon une enquête menée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) en 2018, trois commerçants sur quatre déclarent avoir déjà été victimes de vol ou de tentative de vol.
Les conséquences pour les petits commerces sont dramatiques : les pertes sont évaluées à près de 2% du chiffre d’affaires, ce qui représente souvent une large partie de la trésorerie des commerçants. Ils n’ont pas la même résilience ou facilité à rebondir que les hypermarchés, puisque de leur chiffre d’affaires dépend souvent leur salaire à la fin du mois, voire leur survie.
Nombreux sont les commerçants qui ont donc recours à l’installation de caméras de vidéoprotection pour lutter contre ce phénomène. L’installation de caméras dans un lieu ouvert au public est encadrée par la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 dite «Pasqua». Cette législation relative à la vie privée oblige les lieux au public à informer les usagers de l’utilisation d’un tel système. Le recours à la vidéosurveillance est souvent employé par les commerçants d’abord pour son effet dissuasif. Mais les choses se compliquent lorsqu’il s’agit d’exploiter réellement les images de ces caméras.
En effet, ces images ne peuvent être utilisées ou diffusées sous peine de sanctions, en vertu du droit à l’image. Le seul moyen d’utiliser ces images est de les conserver comme preuve pour identifier les auteurs de vols ou d’agressions lors d’un procès au tribunal après avoir porté plainte. De nombreux commerçants se sentent découragés par cette procédure longue et complexe, dont les résultats incertains sont peu motivants et qui les protègent peu de la récidive des voleurs.
Un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende
Dans l’état actuel du droit, l’article L226‑1 du code pénal dispose que «est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle‑ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé».
Cet article du code pénal exprime une volonté de protection de l’image de chacun, afin que des contenus ne se retrouvent pas en ligne sans le consentement de la personne visée. Mais dans sa rédaction, cet article du code pénal peut porter à interprétation, et avoir des effets contre‑productifs, puisqu’il protège, dans le cas du vol à l’étalage, les auteurs du délit.
Le ministère de la justice a créé en juillet 2023 un nouveau dispositif pour lutter contre ces vols à l’étalage. Il s’agit d’une amende forfaitaire délictuelle que devront payer les auteurs de vol à l’étalage pris en flagrant délit, s’ils veulent éviter les poursuites judiciaires. Insuffisant pour de nombreux commerçants qui réclament le droit d'afficher les auteurs des vols sur les réseaux sociaux.