La colère des agriculteurs, qui secoue plusieurs pays européens, pourrait avoir un impact sur les élections européennes prévues en juin. Les Verts, en congrès à Lyon (Rhône) ce week-end, doivent notamment faire face à une certaine hostilité.
A quatre mois des élections européennes, les Verts se mettent en ordre de bataille. A partir de ce vendredi 2 février et pour trois jours, 1.300 élus et militants écologistes venus de toute l'Europe se réunissent en congrès à Lyon afin de dessiner les contours de leur programme commun. Alors qu'une crise agricole secoue l'Europe, les Verts veulent maintenir les préoccupations environnementales au coeur des discussions.
Chacun des 36 partis écologistes nationaux composant le Parti vert européen, issus de 32 pays, sont représentés lors de ce congrès. D'après Lyon capital, ils doivent adopter ensemble leur manifeste mais aussi élire les deux futurs chefs de file du parti européen.
Pour les militants, ce congrès est également l'occasion d'aborder le sujet de la crise agricole, qui s'est fait entendre en France mais aussi plus largement en Europe, notamment en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Grèce et au Portugal. Jeudi, des milliers d'agriculteurs de différents pays, certains avec leur tracteur, ont envahi les rues de Bruxelles aux abords d'un sommet des Vingt-Sept.
Les manifestants étaient réunis devant les bâtiments bruxellois du Parlement européen, sur la place du Luxembourg, pour faire entendre les mêmes revendications liées à leurs revenus insuffisants, à la surcharge administrative, aux importations ukrainiennes «déloyales», mais aussi aux législations écologistes jugées complexes.
Ce dernier point est évidemment celui qui préoccupe tout particulièrement les élus Verts européens, qui redoutent que la sortie de la crise agricole se fasse au détriment de la sauvegarde de l'environnement. En France, les Ecologistes se sont justement insurgés contre certaines promesses faites aux agriculteurs par le gouvernement, notamment celle de mettre «en pause» le plan Ecophyto, qui vise à réduire l'usage des pesticides.
L'indicateur central de ce plan, le Nodu, qui mesure l'usage des molécules par les exploitants, est contesté par des organisations agricoles et notamment par les producteurs de grandes cultures. Aussi le Premier ministre, Gabriel Attal, a décidé de mettre le plan Ecophyto à l'arrêt «le temps de mettre en place un nouvel indicateur».
Marie Toussaint, tête de liste écologiste pour les Européennes, a estimé que cette décision représentait un «recul inacceptable». «Le gouvernement vient de faire un cadeau empoisonné au monde agricole [...] l'indispensable réorientation de notre modèle agricole n'aura pas lieu si on ne sèvre pas l'agriculture de sa dépendance aux toxiques», a-t-elle déploré.
«Sortir de l'écologie punitive»
Globalement, les Verts français dénoncent une mesure non seulement mauvaise pour l'environnement mais qui ne viendra pas en aide aux agriculteurs. «Le gouvernement peut décider de ne plus protéger l'eau, la terre, la biodiversité et même notre santé. Mais avec ça nos agriculteurs ne gagneront pas plus», a par exemple réagi la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, sur X.
L'exécutif s'est défendu, évoquant des plans de réduction des pesticides «inefficaces» depuis quinze ans et la nécessité de «sortir de l'écologie punitive». Sa porte-parole, Prisca Thevenot, a affirmé que le gouvernement «travaille en ce moment sur le plan Ecophyto 2030» mais souhaite «se poser un mois de plus pour faire en sorte qu'il soit parfaitement compris, dans le cadre d'un accompagnement et pas d'une punition».
Les détracteurs d'Emmanuel Macron soulignent le contraste entre ces prises de position et celle que défendait le président lorsqu'il était en campagne pour sa réélection en 2022. Lors d'un meeting à Marseille, il avait notamment déclaré : «la politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas».
L'inquiétude principale du Parti vert européen est donc de voir ce «relâchement» écologique s'étendre jusqu'aux instances du Vieux continent. En mai 2023 Emmanuel Macron avait déjà appelé à «une pause réglementaire européenne» sur les normes environnementales, sous prétexte que l'Union européenne a selon lui fait «plus que tous les voisins» et a désormais «besoin de stabilité».
Les écologistes sur une ligne de crête
Les élections européennes ont déjà été favorables aux écologistes, notamment en 2019 lorsqu'une «vague verte» avait balayé l'Europe. 70 députés verts étaient alors entrés au Parlement européen mais, aujourd'hui, le contexte est bien différent puisque les écologistes sont sous le feu des critiques.
Alors qu'un glissement à droite est observé au sein de l'Union, les deux piliers qu'ils défendent, à savoir l'approche fédérale et la politique environnementale, se retrouvent fragilisés. La mobilisation des agriculteurs met les écologistes sur une ligne de crête, entre soutien à une profession en grande difficulté sociale et défense de l'environnement.
Les relations ne sont pas toujours simples entre le monde paysan et les écologistes, sachant que les deuxièmes sont opposés à une agriculture productiviste et à l'emploi de pesticides, parfois jugés indispensables par les premiers. Ils s'opposent également au sujet des méga-bassines, ces retenues d'eau que réclament certains exploitants face au problème de la sécheresse.
A l'approche des Européennes, l'enjeu pour les Verts est donc de prouver qu'ils ne sont pas les ennemis du monde paysan mais «les meilleurs alliés de l'agriculture», comme l'affirme Marine Tondelier.
Lors d'une conférence de presse le 24 janvier, cette dernière a jugé la colère des agriculteurs «légitime» et assuré que leur combat «colle avec» celui des écologistes. Dénonçant tout de même un modèle agricole «dans l'impasse», Marine Tondelier a insisté : «Il n’y aura pas de transition écologique sans les agriculteurs. Et pas d'agriculture juste sans transition écologique».
Sur la même ligne, Marie Toussaint a de son côté dénoncé «la propagande mensongère» de «l'alliance de la droite et de l'extrême droite», qui instrumentalise selon elle les tensions actuelles pour faire «croire que les classes populaires et rurales sont contre l'écologie».
Celle qui s'est distinguée au Parlement européen par son combat pour la reconnaissance de l'écocide a appelé les agriculteurs «à ne se tromper ni de colère, ni d'adversaire», assurant que «le problème est social, pas environnemental».