Le «siège de Paris» annoncé par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs va démarrer ce lundi à 14h, pour une «durée indéterminée». Celui-ci va s’organiser autour de huit points de blocage et rassembler plusieurs milliers d’agriculteurs. Pour encadrer le blocage, Gérald Darmanin a annoncé la mise en place d’un «dispositif défensif important» avec 15.000 membres des forces de l’ordre mobilisés.
Malgré les annonces de Gabriel Attal vendredi, la colère des agriculteurs ne retombe pas et le mouvement devrait prendre une autre tournure à partir de ce lundi. En effet, dès le lendemain des annonces, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs du Grand Bassin Parisien (Aisne, Aube, Eure, Eure-et-Loir, Île-de-France, Marne, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Seine-et-Marne, Seine-Maritime et Somme) ont promis d’entamer «un siège de Paris» ce lundi à partir de 14h, pour une durée indéterminée. Des centaines de tracteurs emmenés par des milliers d’agriculteurs devraient donc converger sur Paris, autour de huit points de blocage. De son côté, Gérald Darmanin a mobilisé 15.000 membres des forces de l’ordre pour encadrer le «siège».
«Plusieurs points de blocage tout autour de Paris» seront mis en place sur des axes stratégiques, dont les autoroutes, «à partir de 14 heures», a indiqué Clément Torpier, le président des Jeunes Agriculteurs d’Île-de-France ce dimanche. «L’objectif n’est pas d’embêter la population mais d’avoir des réponses du gouvernement, qu’il aille plus loin dans les mesures déjà faites», a-t-il ajouté. «Ce sera un blocus total», a de son côté prévenu Cyrille Milard, président de la FNSEA de Seine-et-Marne et coordinateur du blocage des autoroutes A4, A5 et A6. «Le blocage se fera dans les deux sens», a précisé le leader syndical. Les forces de l’ordre feront sûrement sortir les automobilistes en amont sur le réseau secondaire mais on peut imaginer qu’il sera très vite complètement saturé.
huit points de blocage
Selon nos informations, le «siège» va s’organiser autour de huit points de blocage situés sur l'aire de Chennevières (autoroute A1), à hauteur de Jossigny (A4), à Ourdy (A5), Villabé (A6), au péage de Buchelay (A13), à Longivilliers (A10), entre le pont de Gennevilliers et la D311 (A15) et à hauteur de l'échangeur D301 de l'Isle-Adam (A16). Dans un «deuxième temps», les agriculteurs du Grand Bassin parisien envisagent de bloquer les «grandes nationales» de la région francilienne, sans donner de date exacte. «Ce sera dans le cas où le gouvernement ne répond pas à nos attentes», a prévenu Stéphane Sanchez, directeur de la FNSEA Grand Bassin parisien.
Les agriculteurs préparent le siège de Paris avec une «organisation quasi militaire», a confié Stéphane Sanchez, évoquant des «rotations» entre les agriculteurs pour tenir les barrages et rester «le plus longtemps possible». Au moins 500 tracteurs et 1.000 agriculteurs se tiendront sur les trois points de blocage situés sur l’A4, l’A5 et l’A6. L’objectif affiché est de tenir «au moins jusqu’à jeudi», date d’un Conseil européen extraordinaire auquel doit participer Emmanuel Macron, a précisé Stéphane Sanchez. L’abandon de la mise en jachère de 4% de la surface agricole, réclamé par les paysans, pourrait y être négocié.
Par ailleurs, Clément Torpier a confirmé que cette organisation «militaire» serait surtout mise en place afin d’éviter un nouvel accident. Mardi, une éleveuse et sa fille sont mortes fauchées par un automobiliste qui avait forcé le barrage sur la RN20 dans l’Ariège.
15.000 policiers et gendarmes mobilisés
Du côté de l’exécutif, après avoir organisé une cellule interministérielle de crise, dimanche, avec le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, Gérald Damarnin a rappelé les trois consignes principales, données par Emmanuel Macron : «que les tracteurs ne rentrent pas dans les grandes villes ; que le marché de Rungis puisse continuer à fonctionner ainsi que les grands aéroports». Pour ce faire, le ministre de l'Intérieur a annoncé que «15.000 policiers et gendarmes sont mobilisés, ainsi que des véhicules blindés et des hélicoptères de la gendarmerie nationale».
Pour mettre en place le dispositif, le ministre de l'Intérieur avait réuni place Beauvau les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, Frédéric Veaux et Christian Rodriguez, ainsi que le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a-t-on précisé dans l'entourage de Gérald Darmanin. Le ministre a renouvelé sa demande de «modération» de la part des forces de l'ordre à l'encontre des agriculteurs. Les forces de l'ordre, «n’interviennent qu’en dernier recours et dans le seul cas où l’intégrité des personnes serait menacée ou les bâtiments/biens publics ou privés exposés à de graves dégradations», a-t-on ajouté.
Aux abords de Rungis et de l'aéroport de Roissy, des blindés de la gendarmerie ont pris place en début de soirée, dimanche, pour empêcher le blocage de leurs accès. La même consigne sera appliquée pour les aéroports de province et les grands marchés d'approvisionnement ce lundi.
Une «semaine de tous les dangers»
De retour sur le terrain dimanche matin, le Premier ministre Gabriel Attal a juré «d’avancer vite» pour répondre à la colère des agriculteurs, après avoir dévoilé vendredi des mesures d'urgence, dont l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique, et des sanctions lourdes contre trois industriels de l'agro-alimentaire ne respectant pas les lois Egalim sur les prix.
Mais Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, premier syndicat agricole français, a exhorté le gouvernement à «aller beaucoup plus loin». Selon lui, la séquence qui s'ouvre est celle d'une «semaine de tous les dangers, soit parce que le gouvernement ne nous entend pas, soit parce que la colère sera telle qu'ensuite chacun prendra ses responsabilités».
Exaspérés comme leurs voisins français par une politique agricole commune européenne selon eux déconnectée du terrain, des agriculteurs belges ont bloqué dimanche une autoroute dans le sud de leur pays. Des paysans se sont également mobilisés dernièrement en Allemagne, en Pologne, en Roumanie et aux Pays-Bas.