Promulguée le 30 décembre 2021, la loi Darcos, du nom de la sénatrice Laure Darcos à l’origine du texte, entre en application ce samedi 7 octobre. Elle impose à chaque vendeur d’ouvrages sur Internet d’instaurer un minimum de 3 euros de frais de livraison pour toute commande de livres neufs inférieure à 35 euros.
Une taxe mise en place pour soutenir les librairies face aux mastodontes du Web. Dès ce samedi, la loi Darcos va imposer à tous les acteurs du marché de la vente en ligne de livres neufs des frais de livraison de trois euros pour chaque commande inférieure à 35 euros. Pour les commandes supérieures à ce tarif, le montant minimum de frais de livraison sera facturé un centime d’euro.
Cette réglementation s'appliquera dans toute la France métropolitaine et concernera l'ensemble des clients en France, même ceux ayant souscrit à des abonnements premiums. A noter que les livres neufs commandés avant samedi conserveront les tarifs de livraison pratiqués précédemment, même si la livraison est prévue après le 7 octobre 2023.
La sénatrice Laure Darcos, femme de l’ancien ministre de l’Éducation Xavier Darcos, a mis ce projet de loi sur le bureau du Sénat le 21 décembre 2020. Il a ensuite été adopté par à l’Assemblée nationale le 6 octobre 2021 puis par le Sénat le 16 décembre, avant d’être promulgué au Journal Officiel le 30 décembre 2021. Opposé à cette loi, Amazon a notamment déposé fin mai 2023 un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État.
«Une anomalie commerciale en ligne»
Du côté des libraires, cette loi est accueillie avec enthousiasme puisqu’elle va permettre aux petits commerçants de pouvoir lutter sur le marché avec les grandes plate-formes en ligne comme Amazon, la Fnac ou encore Cultura.
«La mesure votée par le Parlement est un pas important par rapport à la situation actuelle dans laquelle il y avait une distorsion de concurrence avec les frais de port offerts par les grandes plate-formes, rendant déficitaire toute livraison de livres», s’est félicité Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, auprès de CNEWS.
«Cette distorsion de concurrence engendrait une anomalie commerciale en ligne où le livre était en France le seul produit sur lequel sans aucun minimum d’achat, on avait la livraison gratuite. A nos yeux, la loi remet les frais de livraison des livres au niveau de la majorité des autres produits sur Internet», ajoute ce dernier.
«On replace le livre simplement dans la norme des tarifs de livraison sur l’ensemble des produits. Qui peut imaginer qu’une livraison, surtout aujourd’hui, soit gratuite ? La Poste facture le libraire entre 7 et 9 euros lors d’une vente en livraison, plus précisément à 7,80 euros en moyenne», conclut ce dernier.
Un nouveau frein économique pour les lecteurs
Selon un sondage IFOP publié en septembre dernier, 60% des lecteurs estiment que cette mesure va impacter leur budget et 51% d’entre eux vont réduire leurs achats de livres à compter de samedi. En pleine crise économique liée à la guerre en Ukraine et la hausse de l’inflation, cette loi pourrait représenter un frein non négligeable pour les clients
«Des frais de livraison obligatoires fixés à 3 euros représentent une hausse de 40% du coût d’acquisition d’un livre de poche à 7.50 euros. Sachant qu’il se vend chaque année plus de 400 millions de livres en France, dont 17 % en ligne, selon une étude Kantar TNS Sofres pour le ministère de la Culture. Cette mesure pourrait représenter un surcoût de plusieurs centaines de millions d’euros par an pour les lecteurs en France», regrette un porte-parole d’Amazon.
«Cette mesure va pénaliser les lecteurs, les auteurs et la lecture en général. Elle va contraindre de nombreux Français à renoncer à certains de leurs achats de livres ou à supporter des coûts supplémentaires, en particulier dans les territoires dépourvus de librairies, c’est-à-dire dans plus de 90% des communes du pays», déplore cette même source.
Une loi qui devrait creuser l’inégalité d’accès à la culture
Cette loi pose aussi la problématique de l’inégalité d’accès à la culture entre les grandes métropoles et les zones rurales. Par exemple, Paris regroupe 20% des librairies de l’Hexagone pour seulement 3% de la population française. D’ailleurs, 90% des communes en France n’ont pas de librairie dédiée sur leur sol. Selon l’étude IFOP publiée en septembre dernier, un Français sur deux (49%) achète des livres en ligne en raison de l’éloignement des points de vente physiques. Ce chiffre grimpe même à 75% pour les communes rurales.
«Les Français aiment lire et c’est aussi vrai en Province qu’à Paris. C’est pourquoi Amazon s’attache depuis plus de vingt ans à promouvoir la lecture en proposant une large sélection de livres accessible au même prix à tous les lecteurs, y compris dans les petites villes et zones rurales qui sont le plus souvent dépourvues de librairies et qui comptent pour près de la moitié des livres expédiés par Amazon en France», détaille le porte-parole de la multinationale.