Face aux difficultés d’approvisionnement en médicaments dans l’Hexagone, une pharmacie parisienne a décidé de fabriquer ses propres gélules contre les arythmies cardiaques notamment.
Amoxicilline, corticoïdes et flécaïne. La pharmacie Delpech à Paris, dans le 6e arrondissement, a pris l’initiative de fabriquer ses propres gélules, pour lutter contre les difficultés d’approvisionnement en médicaments.
«On passe notre temps à gérer les ruptures» d'approvisionnement, a souligné Fabien Bruno, patron de la pharmacie préparatrice Delpech, située non loin de Notre-Dame en plein cœur de la capitale.
Fin août, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ASNM) signalait que les médicaments à base de flécaïnide à libération prolongée étaient «en tension d'approvisionnement au niveau mondial». Ces difficultés sont apparues en 2022 et la date de retour à la normale reste incertaine.
Des préparations dites «magistrales»
Pour que les 388.000 patients français concernés continuent à avoir accès à leur traitement sans interruption, une des solutions consiste à confier aux officines le soin d'élaborer des préparations dites «magistrales». C'est-à-dire élaborées en pharmacie, «sur mesure», pour un patient donné, parce qu'il n'existe pas le dosage souhaité, ou en l'absence d'alternative à ce médicament. Dans le cas de la flécaïne, il est presque impossible de la remplacer par une autre molécule équivalente, d'où le recours aux préparations magistrales.
«C'est un peu comme quand on fait la cuisine: on ne synthétise pas soi-même le sucre mais on l'achète tout prêt à l'industrie sucrière», a expliqué Fabien Bruno. En l'occurrence, la matière première a été fabriquée par Orgapharm (filiale du groupe de chimie fine Axyntis) à Pithiviers, dans le Loiret.
Puis dans le laboratoire, Rachida El Hssaini la responsable de la production s’occupe de «mélanger» les substances et une machine se charge de clipser les gélules par plaque. Chaque flacon représente 30 à 60 gélules. «Fin décembre 2022, on faisait 1.800 préparations par jour, aujourd'hui on tourne à environ 2.300/2.400 préparations», toutes molécules confondues, soit une hausse d'environ 25% «uniquement due à la gestion des ruptures».
Surtout celles de l'amoxiciline et des corticoïdes mais aussi de la bétahistine pour traiter les vertiges «qui nous prend beaucoup de temps», a spécifié Fabien Bruno, inquiet de ne pas trouver la main d'œuvre pour suivre la cadence.
Selon l'ANSM, les laboratoires expliquent les tensions actuelles par «des difficultés d'approvisionnement en matière première et en articles de conditionnement». Mais pour Guillaume Racle, pharmacien et conseiller économie à l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), l'explication serait plutôt à chercher du côté d'«un problème d'hyperconcentration», vu que «tout est façonné dans la même usine en Espagne».