Le 20 avril dernier, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a annoncé la mise en place de l’opération «Wuambushu», visant à expulser les immigrés clandestins de l’île de Mayotte. Un plan vivement contesté.
La France s'apprête à déclencher dans les prochains jours une série d'interventions policières contre la délinquance et l'immigration illégale à Mayotte, en procédant à des expulsions massives d'étrangers en situation irrégulière et à des destructions de bidonvilles.Une opération «secrète», qui ne l’est plus, baptisée «Wuambushu».
Quelle est la situation à Mayotte ?
Mayotte, devenue le 101e département français en 2011, attire chaque année des milliers de migrants, arrivés par la mer en «kwassa kwassa», des embarcations de fortune, de l'île comorienne voisine d'Anjouan, mais également de l'Afrique des Grands Lacs et de plus en plus de Madagascar.
Près de la moitié des 350.000 habitants estimés de Mayotte ne possède pas la nationalité française, selon l'Insee, mais un tiers des étrangers sont nés sur l'île.
Ces migrants clandestins, installés dans des quartiers particulièrement insalubres, des «bangas» en proie à la violence et aux trafics, vivent pour la plupart tranquillement sur l'île, occupant de petits emplois. Les mineurs sont scolarisés.
Mais ils sont aussi accusés par la population et les élus de déséquilibrer le peu d'infrastructures et ressources de l'île et de nourrir un taux de délinquance «hors normes».
Plusieurs opérations dites de «décasage», parfois réalisées par des habitants de l'île eux-mêmes constitués en milices, ont déjà eu lieu depuis 2016.
Une opération validée par l’Elysée
Révélée fin février, l'opération «Wuambushu», qui peut vouloir dire en mahorais «reprise» comme «poil à gratter», n'avait jamais été officialisée par le gouvernement.
Gérald Darmanin a confirmé vendredi dans une interview au Figaro, la tenue d'une opération «au long cours», validée par Emmanuel Macron en Conseil de défense, selon une source proche du dossier.
Au total, plus de 2.500 personnels, des forces de l'ordre, de l’agence régionale de santé, de justice et des réserves sanitaires sont mobilisés, selon une source proche du dossier à l’AFP.
Le ministre de l’Intérieur a souhaité, par cette opération, la destruction de «1.000 bangas dans les deux mois». Nous prendrons le temps nécessaire, toujours sur l’autorisation du juge».
Des organisations inquiètes
Plusieurs organisations, dont la Ligue des droits de l'Homme, se sont inquiétées que «la France place ainsi des mineurs dans des situations de vulnérabilité et de danger intolérables».
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a demandé à Beauvau de renoncer à l'opération, face aux risques d'«aggravation des fractures et des tensions sociales» à Mayotte et d'«atteinte au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères».
«Les actions annoncées m'inquiètent tout particulièrement», a aussi déclaré la Défenseure des droits Claire Hédon, qui a annoncé la présence de quatre de ses délégués sur place.
Des tensions avec les Comores
Les autorités des Comores, qui revendiquent toujours leur souveraineté sur Mayotte, restée française après l'indépendance des Comores en 1974, sont vent debout contre cette opération.
«Nous n'avons pas les moyens d'absorber cette violence fabriquée de Mayotte par l'Etat français. Une situation aussi complexe ne peut se régler de manière aussi déroutante», a déploré mardi Anissi Chamsidine, le gouverneur d'Anjouan, l'île comorienne la plus proche de Mayotte.
Le président comorien Azali Assoumani, qui assure depuis février la présidence de l'Union africaine, a déclaré à l'AFP espérer «que l'opération sera annulée», en reconnaissant «n'avoir pas les moyens de la stopper par la force».
D'intenses tractations ont eu lieu ces dernières semaines entre Moroni et Paris, laissant planer la possibilité d'un accord de dernière minute. Gérald Darmanin a même assuré vendredi que la France «travaille très bien» avec l'Union des Comores et que tous les «délinquants» comoriens arrêtés à Mayotte «sont reconduits aux Comores».