Dans un rapport publié ce jeudi 6 avril, l'Anses s'inquiète de la présence, dans l'eau potable, de résidus d'un fongicide proscrit en France.
Interdit depuis 2020 en France, le chlorothalonil est pourtant toujours détectable dans l'eau potable. Publié ce jeudi 6 avril, un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) montre une large contamination liée à ce fongicide, signe de la persistance dans l'environnement de ces produits, même longtemps après la fin de leur utilisation.
L'Anses a prélevé de l'eau sur tout le territoire, y compris Outre-mer, à la recherche de 157 pesticides et de leurs métabolites, c'est-à-dire des composants issus de leur dégradation. Après analyse, il apparaît que 89 d'entre eux «ont été quantifiés au moins une fois en eau brute et 77 en eau traitée».
Aperçu des principaux résultats, dont l’analyse de plus de 150 pesticides et métabolites de pesticides, ainsi que d’une cinquantaine de résidus d’explosifs. https://t.co/kVS22pLocI
— Anses (@Anses_fr) April 6, 2023
Le métabolite R471811 du chlorothalonil a notamment été retrouvé «dans plus d'un prélèvement sur deux». Il a attiré l'attention des experts car il conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) «dans plus d'un prélèvement sur trois».
«Ces résultats attestent qu'en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus», conclut l'Anses.
La Commission européenne n'avait pas renouvelé l'autorisation de ce fongicide commercialisé par l'allemand Syngenta dès 2019, mais la France avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020. Son utilisation avait toutefois été interdite après écoulement des stocks, notamment parce que les autorités françaises avaient été alertées de sa présence fréquente dans les eaux de consommation suisses.
En 2019, Bruxelles estimait qu'il était «impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine». La Commission européenne s'était appuyée sur les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui estimait que le chlorothalonil «devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B», c'est-à-dire cancérogène «supposé».
Un «manque de données»
Dans une note parue l'an dernier, l'Anses avait déjà rappelé que des études sur ce fongicide avaient identifié des «tumeurs rénales chez le rat et la souris». Or, le «manque de données» ne permet pas de «prouver que le métabolite chlorothalonil R471811 ne partage pas le mode d'action de la SA (substance active) parente aboutissant à des tumeurs rénales», précisait l'agence.
Ce nouveau rapport de l'Agence intervient alors qu'un autre produit fait l'objet de débats aujourd'hui. L'Anses a lancé une procédure d'interdiction pour l'herbicide agricole S-métolachlore, mais le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, veut revenir dessus.
Les dérivés chimiques de ce produit ont pourtant été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines et donc potentiellement dans l'eau potable. Mais le ministre estime que l'on «ne peut pas accepter de distorsions» entre les pays européens, sachant que le S-métolachlore n'a pour l'heure pas été banni par l'Union européenne.
Dans une lettre adressée à l'Anses et rendue publique sur Twitter, Marc Fesneau a estimé qu'une décision d'interdiction de ce type d'herbicide pourrait ne pas intervenir de la part de la Commission européenne avant novembre 2024.
Jugeant qu'il n'y avait «pas de question immédiate de santé publique», il a appelé à se laisser le temps de trouver des «alternatives» aux herbicides condamnés. «Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d'une agence», avait-il lancé.