Les principaux syndicats français appellent à une «puissante mobilisation dans la durée» à partir du jeudi 19 janvier pour protester contre la réforme des retraites. Un mode d'action qui a obtenu des résultats contrastés par le passé.
1953 : une grève estivale prend de court le gouvernement
C'est un épisode mal connu de l'histoire sociale française. En 1953, sous la Quatrième république, l'Assemblée nationale donne au président du conseil Joseph Laniel (CNIP, droite) la possibilité de gouverner pendant trois mois par décrets-lois – équivalents des ordonnances dans la Cinquième république.
Dans une logique de rigueur budgétaire, l'exécutif engage une réforme des retraites de la fonction publique. Nivellement par le bas des régimes spéciaux, recul de deux ans de l'âge de départ... Joseph Laniel veut profiter des congés payés du mois d'août pour faire passer des mesures drastiques.
C'est sans compter sur la mobilisation massive des fonctionnaires. PTT, SNCF, EDF, RATP, hôpitaux, Air France... A l'appel des syndicats (FO, CFTC, CGT) et à la grande surprise du gouvernement, ce sont jusqu'à plus de quatre millions de salariés qui se mettent en grève, plongeant peu à peu le pays dans la paralysie.
Le gouvernement de Joseph Laniel riposte en réquisitionnant les grévistes, mais doit reculer devant l'opinion publique qui soutient massivement ses agents de proximité. Après des négociations avec les syndicats, les décrets sont définitivement enterrés.
1995 : les fonctionnaires font plier alain Juppé
En novembre 1995, sous la présidence de Jacques Chirac, le Premier ministre Alain Juppé présente un plan de redressement de la Sécurité sociale comportant aussi un alignement des régimes de retraites des fonctionnaires et des entreprises publiques sur celui des salariés du privé.
A partir du 24 novembre, les fonctionnaires entament une longue grève de plusieurs semaines, mettant trains, bus et métros à l'arrêt. La CGT est à la pointe de la protestation, avec comme figure de proue Bernard Thibault, secrétaire général de la branche cheminots du syndicat. La CFDT de Nicole Notat est la seule grande centrale à soutenir l'essentiel du plan Juppé.
Le 12 décembre, plus de deux millions de personnes manifestent partout en France, la plus grande mobilisation depuis mai 1968. Le gouvernement cède trois jours plus tard, le 15 décembre. Alain Juppé retire sa réforme des retraites mais maintient ses mesures sur la Sécurité sociale.
2003 et 2010 : le gouvernement tient bon
La réforme des retraites de 2003, portée par François Fillon (ministre des Affaires sociales dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin), va aussi faire descendre les Français dans la rue. Le 13 mai, plus d'un million de personnes manifestent contre la hausse progressive de la durée de cotisation et l'alignement du régime de retraite des fonctionnaires sur celui des salariés du privé. Malgré une forte mobilisation dans les transports, la poste ou l'Education nationale, la loi finit par être adoptée le 24 juillet.
En 2010, c'est la réforme d'Eric Woerth, ministre du travail du gouvernement Fillon, qui met en colère les syndicats, CFDT comprise. La loi, qui prévoit notamment un relèvement de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite, sera adoptée malgré les plus d'un million de Français qui défilent dans les rues le 12 octobre.
2019-2020 : le covid-19 met fin aux débats
SNCF, RATP, enseignants, avocats, raffineries... et même Opéra de Paris. Un an après les «gilets jaunes», le projet de réforme des retraites promis par Emmanuel Macron suscite un mouvement social de grande ampleur fin 2019.
Selon le texte porté par le Premier ministre Edouard Philippe, le système universel par points s'appliquerait à partir de la génération 1975, voire celles de 1980 ou 1985 pour certains fonctionnaires et agents de régimes spéciaux. Un système de bonus-malus inciterait à travailler plus longtemps avec un «âge d'équilibre» fixé à 64 ans en 2027. Cet «âge pivot» fait basculer la CFDT dans le camp des opposants.
Des concessions sont accordées à une dizaine de professions (policiers, pilotes de ligne...) et Edouard Philippe finit par se dire «disposé à retirer», sous conditions, l'âge pivot de 64 ans.
Alors qu'il bénéficie d'une confortable majorité à l'Assemblée, le Premier ministre engage le 49.3 pour couper court aux 41.000 amendements déposés par les oppositions. Le texte est adopté le 3 mars mais, deux semaines plus tard, la France est confinée en raison de l'épidémie de Covid-19, qui aura raison de la réforme.