«Des adhérents titanisés», «des militants ras-le-bol»… Secoué par l’affaire Julien Bayou, le parti «Europe, Écologie Les Verts» (EELV) a tenu jeudi 6 octobre, ses journées parlementaire sous tension. À travers celles-ci, le parti compte s’imposer dans le débat politique à l’heure où le climat est devenu une priorité.
C’est tendu du côté des Verts. En pleine rentrée parlementaire et à quelques mois de leur congrès, l'affaire qui oppose l'ex-secrétaire national d'EELV Julien Bayou et la députée Sandrine Rousseau, illustre une nouvelle fois la propension des écologistes à se saborder par des conflits internes, malgré des thèmes porteurs.
Ils retombent dans leurs turpitudes internes et leurs règlements de comptes tels qu'on les a connus dans le passé», se désole un élu socialiste.
Avec 23 députés à l'Assemblée, EELV espérait bien en cette rentrée s'imposer enfin dans le débat politique, au moment où l'enjeu écologique est devenu une priorité.
Mais, à quelques semaines d'un congrès prévu le 10 décembre, c'est «l'affaire Julien Bayou» et les accusations de violences psychologiques sur son ex-compagne, portées publiquement par Sandrine Rousseau, qui ont monopolisé le débat, obligeant le secrétaire national à quitter son poste, avec une déflagration qui a touché tout le parti.
Julien Bayou a contre-attaqué mardi en accusant Sandrine Rousseau d'être «allée trop loin», appelant à ne «pas confondre féminisme et maccarthysme».
Les députés écologistes ont présenté la semaine dernière un «plan de rupture pour le climat», mais avec cette affaire, «ça passe le mur du son», se désole un élu.
«Tout le monde est tétanisé», «les militants en ont ras-le-bol», convient une cadre du parti, qui estime que Sandrine Rousseau «veut tout cramer».
Mais «les querelles en politique, ce n’est pas l'apanage des Verts», nuance l'ex-secrétaire national David Cormand. Excédé par la critique sur «ces Verts irrécupérables», il pointe «la course au buzz permanent» de la vie politique, axée parfois sur «le sensationnalisme et le conflit de personnes».
Il reconnaît pourtant «ces derniers mois, une atmosphère redevenue lourde, après des années où on avait réussi à porter une voix de l'écologie, avec des séquences réussies aux Européennes de 2019 ou aux municipales de 2020».
«Quand ça va mal on arrive à se serrer les coudes, et quand ça va mieux, on a du mal à garder un esprit collectif, solidaire», ajoute-t-il.
Le premier incident remonte à la primaire des Verts, et la «fausse bousculade», dont Sandrine Rousseau, alors candidate, a accusé un concurrent, Eric Piolle, lors des journées d'été à Poitiers. Un moment de «sidération» pour beaucoup.
Un échec inoubliable de la présidentielle
Et le malaise «s'est accentué» avec le résultat décevant de Yannick Jadot à la présidentielle, note l'ex-secrétaire national.
Le parti est réputé pour ses règles de fonctionnement présentées comme les plus démocratiques des partis français, mais qui obligent à des discussions interminables entre les différents courants. Des débats internes sources de nombreuses querelles.
«Ça commence après 2009, et la bagarre aux élections européennes, entre les copains de Dany (Daniel Cohn-Bendit, ndlr) et les autres», estime David Cormand.
D'autres guerres intestines vont suivre, dont la bataille pour la primaire de 2011 entre Eva Joly et Nicolas Hulot, qui a laissé le souvenir le plus amer. Nicolas Hulot, pourtant une des personnalités préférées des Français, est finalement écarté. Eva Joly récoltera 3,2% au premier tour de la présidentielle 2012.
Des pugilats sur la ligne stratégique vont suivre : en août 2015, les présidents des groupes au Sénat et à l'Assemblée, Jean-Vincent Placé et François de Rugy, quittent le parti avec fracas après la décision de Cécile Duflot et Pascal Canfin en avril 2014 de refuser de participer au gouvernement socialiste de Manuel Valls.
Un mois plus tard, la secrétaire nationale en place, Emmanuelle Cosse, entre au gouvernement comme ministre du Logement contre la ligne défendue par le parti, qu’elle quitte simultanément. Un choc interne, se souvient une élue.
En octobre 2016, une nouvelle primaire redonne le sentiment de se tirer une balle dans le pied, quand Cécile Duflot, donnée favorite, termine à la troisième place derrière Michèle Rivasi et Yannick Jadot. Ce dernier, devenu candidat, se ralliera finalement derrière l'ex-socialiste Benoit Hamon.
Samedi, face à la déflagration de l'affaire Bayou, le secrétaire général adjoint Jérémie Crépel a invité tout le monde «à la retenue dans l'exposition en externe de nos discussions».