Sébastien Raoult, un étudiant français de 21 ans, est retenu en prison au Maroc, à la demande de la justice américaine. Il risquerait une peine de 116 ans de réclusion outre-Atlantique. En voici les raisons.
Une affaire aux ramifications multiples. La France, le Maroc et les Etats-Unis sont impliqués dans un dossier de cybercriminalité concernant un Français de 21 ans, Sébastien Raoult. Que lui est-il reproché ?
Quel est son profil ?
Le jeune homme se trouvait en deuxième année d’études d’informatique à l’école d’ingénieurs Epitech de Nancy lorsqu’il a stoppé sa formation, en décembre dernier. Domicilié chez ses parents, à Epinal (Vosges), il souhaitait voyager et découvrir le monde, a indiqué son père à l’AFP.
Il était ainsi au Maroc, à l’aéroport Rabat-Salé, lorsque les autorités locales l’ont arrêté, le 31 mai.
Pourquoi a-t-il été arrêté ?
La police marocaine a indiqué l’avoir interpellé car Interpol, sur demande de la justice américaine, avait émis une notice rouge (message d’alerte international concernant des fugitifs recherchés) à son encontre.
Le motif concerne des actes de cyberpiraterie, à l’encontre d’entreprises, notamment américaines.
Sébastien Raoult est depuis incarcéré à la prison Tiflet 2, près de Rabat.
Quelles accusations pèsent sur lui ?
Le FBI le soupçonne de faire partie d’un groupe de pirates informatiques, les «ShinyHunters». Les autorités américaines les considèrent comme des «cybercriminels prolifiques», qui s’en seraient notamment pris à Microsoft.
Les hackers voleraient des données en s’introduisant dans les systèmes informatiques des entreprises. Les faits reprochés à Sébastien Raoult auraient été commis depuis la France.
Les Etats-Unis ont ainsi réclamé son extradition pour «complot en vue de commettre une fraude et abus électronique», «fraude électronique» et «vol d’identité grave», selon L’Obs, qui a révélé l’affaire. Des chefs d’accusation qui peuvent le condamner à 116 ans de prison.
Un extradition aux Etats-Unis possible ?
Le 20 juillet, la Cour de cassation du Maroc a prononcé un «avis favorable» à son extradition. Elle ne l’aurait cependant pas ordonné, selon une source proche du dossier à l’AFP. Celle-ci a ajouté que seul «le Premier ministre sur proposition d'une commission réunissant aussi les ministres des Affaires étrangères et de la Justice» peut la décider.
Son père veut empêcher l’extradition
Sébastien Raoult est défendu par son père, qui a affirmé que son fils souhaitait plus tard travailler dans la sécurité informatique. «Si c’est son projet, il ne va pas se mettre en difficulté en faisant des choses illégales. Il sait qu’il se coupe complètement l’herbe sous le pied», a-t-il dit à franceinfo.
Aidé de l’avocat Philippe Ohayon, il souhaite empêcher l’extradition de son fils aux Etats-Unis et demande qu’il soit plutôt renvoyé en France pour être jugé. «Mon fils a été trahi par la France», estime-t-il, en parlant de «déni de justice». Il en a ainsi appelé à la Première ministre Elisabeth Borne, tandis que l’avocat a contacté le cabinet du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.
Le conseil estime en effet que la procédure aurait violé le principe «de la souveraineté française sur son territoire» et celui «de procès équitable». Il dénonce par ailleurs le «traitement dégradant et inhumain» dont serait victime Sébastien. Selon son père, le jeune homme mangerait par terre à même le sol et dormirait sans matelas.
Que fait la France ?
Une demande d’entraide pénale a été adressée à la France par les Etats-Unis l’été dernier, pour une enquête sur les ShinyHunters. Des interpellations et auditions ont ainsi eu lieu dans l’Hexagone, mais aucune suite judiciaire n’a été donnée pour le moment.
L’avocat Philippe Ohayon estime que le dossier aurait dû rester en France et ne pas être récupéré par les Etats-Unis. Il a ainsi demandé au parquet d’Epinal d’ouvrir une enquête préliminaire, concernant les faits reprochés à Sébastien Raoult (car il y résidait). Le procureur aurait cependant rejeté cette demande, au titre que le territoire des Vosges n’est pas compétent pour ce dossier. Or, le mandat d’arrêt émis à l’encontre du jeune français stipule bien son adresse dans le département, chez ses parents.
Le parquet a indiqué avoir reçu de nouveaux éléments, qui seront étudiés, pour décider ou non de modifier sa décision.