Anne Hidalgo entend faire du boulevard périphérique «la nouvelle ceinture verte» de Paris. Pour cela, la maire de la capitale veut sanctuariser une voie qui sera dédiée au covoiturage et réduire la circulation à 2x3 voies sur l'ensemble de l'infrastructure. Mais la municipalité parisienne peut-elle décider seule de l'avenir du périphérique ?
Alors qu'Anne Hidalgo a présenté ce mercredi 18 mai son plan de transformation progressive et concertée du boulevard périphérique, élus comme institutions semblent regretter de ne pas avoir été associés au projet et réclament qu'une concertation officielle et que des études d'impact soient lancées avant d'officialiser la sanctuarisation d'une voie de circulation au profit du covoiturage.
Des études d'impact à réaliser ?
C'est le cas de la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse qui a d'ores et déjà annoncé qu'elle allait «saisir la commission nationale du débat public» pour contraindre la maire de Paris à lancer une «vraie concertation» et une «vraie étude d'impact», qu'elle juge «nécessaires» avant de transformer radicalement les usages du périphérique.
Suppression d’une voie sur le #périphérique: la région @iledefrance va saisir la commission nationale du débat public du projet de la mairie de Paris. Une vraie concertation, une vraie étude d’impact sont nécessaires. Pas question de transformer la région en embouteillage géant!
— Valérie Pécresse (@vpecresse) May 18, 2022
Du 10 au 30 novembre dernier, l'élue francilienne avait d'ailleurs lancé un référendum – sans demander l'avis de la municipalité – posant la question suivante aux Franciliens : «pour ou contre le retrait d'une voie ouverte à tous sur le boulevard périphérique ?». A la fin, 90,2 % des 78.746 participants avaient répondu être «contre», bien qu'il n'était pas nécessaire d'habiter la région parisienne pour y participer.
A l'époque, le premier adjoint à la mairie de Paris Emmanuel Grégoire avait dénoncé une «question biaisée», illustrant «l'absence totale de vision» de la présidente de région à ce sujet, défendant le fait qu'il n'avait «jamais été question de supprimer une voie», mais d'en «réserver une» dans «la perspective des héritages des Jeux olympiques de Paris 2024».
une voie réservée pendant les JO, mais pas après ?
Une pression également exercée par la préfecture de police (PP) de Paris sur l'équipe d'Anne Hidalgo, rappelant notamment qu'«en application de l’article L.110-3 du code de la route, la maire de Paris est tenue de communiquer au préfet de police, avant leur mise en œuvre, les projets de modification des caractéristiques [du périphérique] et toutes mesures susceptibles de [le] rendre impropre à sa destination».
Et de souligner au passage que «la portion située au droit du site Balard du ministère de la défense, dans le 15e arrondissement, relève de la compétence du préfet de police au titre des sites sensibles».
Pour la PP, le projet de transformer le boulevard périphérique en «voie urbaine» devrait donc faire «le moment venu l'objet d'analyse et d'études de trafic non seulement à l'échelle de Paris mais aussi à l'échelle de l'Ile de France».
L'institution avait en outre souligné qu'à ce jour, «seul le principe d'une voie réservée a été validé et intégré au dossier de candidature présenté par l'Etat pour l'organisation des JO de 2024».
«Un test grandeur nature», selon Pierre Chasseray, le porte-parole de l'association 40 millions d'automobilistes, qui insiste aussi de son côté sur la nécessité, alors qu'«aucun véhicule particulier ne sera évidemment autorisé à circuler» sur cette voie pendant les JO, d'en profiter pour «réaliser une étude de report de trafic et d'impact» et «analyser les effets d'une fermeture d'une voie de circulation sur le périphérique».
Un projet né de plusieurs mois de concertation
Des attaques balayées par la municipalité parisienne, qui assure que ce projet a été réalisé de concert avec de nombreux élus et acteurs publics franciliens. De fait, six réunions ont été organisées dans le cadre des ateliers du périphérique, associant «les maires des communes limitrophes, les 3 départements limitrophes, les communautés de commune comme Plaine Commune ou Est Ensemble et la région».
«Anne Hidalgo ne décide pas seule, parce que quand on touche au périphérique, cela a des conséquences ailleurs», martèle-t-on dans le cabinet d'Emmanuel Grégoire, soulignant que de nombreux élus de droite ont d'ailleurs participé à cette réflexion, à l'instar du maire de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromantin.
Ce dernier confirme en effet avoir participé et même accueilli l'une de ces réunions, afin d'évoquer notamment le réaménagement de la porte Maillot. Pour autant, celui qui est maire de Neuilly-sur-Seine (92) estime que dédier une voie du périphérique au covoiturage est «un autre débat, un autre sujet [...] encore à étudier».
«Il y a quelques années, quand j'avais présenté mon projet de réduire le nombre de files de circulation sur l'avenue Charles-de-Gaulle, j'avais fait 3 ou 4 études sur la dynamique des fluides, avec des simulations dynamiques qui simulaient les effets de cette réduction sur tout l'écosystème des territoires alentours [...] L'Etat avait exigé de nous des études extrêmement poussées», témoigne celui qui est maire de Neuilly depuis plus de 14 ans.
L'élu prédit surtout que la maire de Paris ne pourra «rien faire sans l'aval de l'Etat», qui doit selon lui «jouer son rôle dans ce genre d’arbitrage». «Je n'imagine pas l'Etat laisser Anne Hidalgo et Valérie Pécresse face-à-face», fait-il savoir, estimant que l'Etat «doit être le garant d'une cohérence, de la fluidité sur l'ensemble du réseau, dont certaines parties, comme la RN13 qui verse dans le périphérique, lui appartiennent».
Par ailleurs, l'entourage du premier adjoint à la mairie de Paris confirme que les discussions sont toujours en cours et annonce qu'à la rentrée 2022, un carrefour des mobilités sera organisé justement pour être «un lieu de dialogue pour l'ensemble des acteurs institutionnels, la Région, l'Etat, les établissements publics, les agglomérations, les acteurs associatifs et Pierre Chasseray, porte-parole de l'association 40 millions d'automobilistes s'il le souhaite».
Alors pourquoi avoir présenté le plan de transformation progressive et concertée du boulevard périphérique ce mercredi s'il reste encore des réunions ? «Il y aura de la consultation, mais là, tout le monde a[vait] assez travaillé pour présenter une vision commune», conclut-on à l'Hôtel de Ville.