Sous l’égide de Jean-Luc Mélenchon, les partis de gauche se sont alliés pour former NUPES, avec l’objectif affirmé de devenir majoritaire à l’Assemblée nationale. L’objectif est-il réalisable ? Eléments de réponse avec Bruno Jeanbart, politologue et vice-président de l’institut de sondage OpinionWay.
Quelles sont les chances de NUPES aux législatives ?
L'objectif de Jean-Luc Mélenchon de gagner la majorité à l'Assemblée nationale avec NUPES paraît très improbable à ce stade de la campagne. Même si on prend le total des quatre candidats de gauche à la présidentielle, ça ne représente que 30% (22% pour Jean-Luc Mélenchon, 4,6% pour Yannick Jadot, 2,3% pour Fabien Roussel et 1,7% pour Anne Hidalgo, ndlr). On sait que lors d'une alliance, en général, le score est toujours un peu moindre. En plus, une partie du score de Jean-Luc Mélenchon est très liée à sa personnalité. On sait qu’en 2017, il avait fait 19,5% à la présidentielle mais que La France insoumise s'était retrouvée avec seulement 11% aux législatives. Sa base cette année semble donc faible pour obtenir une majorité.
Il y a aussi la difficulté d'être face à un parti comme celui d'Emmanuel Macron, qui est central et a une capacité, face à la gauche ou la droite, d'attirer des voix de l'autre camp. Pour NUPES, vu que l’alliance est faite dès le début, il n'y aura aucune réserve pour les seconds tours face à LREM.
Cette alliance doit cependant permettre à la gauche de faire beaucoup mieux qu'en 2017 et d'avoir une base de députés plus importante, pour pouvoir espérer être la première force d'opposition au sein du futur Parlement.
«Une alliance dont l'orientation politique et les choix sont très marqués par le programme de LFI»
Les électeurs vont-ils suivre l'alliance ?
Il y a quand même une incertitude sur cette question. On ne sait pas comment les électeurs vont se comporter. A la présidentielle, il y a eu un phénomène de vote utile, mais là ce n'est plus tout à fait la même logique. Il faut voter pour une alliance dont l'orientation politique et les choix sont très marqués par le programme de LFI. Il faudra voir ce que les électeurs qui ne voulaient pas voter initialement pour Jean-Luc Mélenchon ou n'ont pas voté pour lui vont faire. Ce qui est nouveau dans cette élection, ce n'est pas que la gauche s'unisse, mais c'est qu'elle soit dominée par le parti le plus à gauche de tout le bloc.
Justement, les personnes de gauche qui ne sont pas favorables à cette alliance ne risquent-elles pas de s'abstenir ?
Oui c'est un risque. Soit elles trouvent d'autres candidats, avec des dissidents ou des divers gauche, comme il y en a toujours dans les législatives, soit elles décident effectivement de ne pas voter, en considérant que la présidentielle a tranché, que Jean-Luc Mélenchon a été éliminé au premier tour et donc que ça ne les intéresse plus tellement. La question se pose notamment pour les électeurs de Yannick Jadot. Ils sont beaucoup plus modérés que ce que l'on pense. Leur première hésitation lors de la présidentielle, c'était avec Emmanuel Macron, pas avec Jean-Luc Mélenchon. Ce qui peut cependant changer cette donne, c'est la dynamique qui va se créer, si elle va jusqu'à la possibilité d'une victoire.
«Qu'un candidat dissident batte son adversaire de NUPES, ça semble difficile. Mais le score qu’il fera pourra l’éliminer au premier tour»
Est-ce que la constitution de NUPES peut avoir un effet de mobilisation chez les électeurs de droite, qui ne voudraient pas laisser la gauche investir massivement l'Assemblée nationale ?
Oui, c'est probablement un phénomène qui va avoir lieu. Mais la question est de savoir comment ils vont se comporter face à ce bloc et à la menace qu'il leur renvoie. Vont-ils aller vers Emmanuel Macron, qui semble être la protection la plus efficace, ou vont-ils tenter d'avoir une droite forte à l'Assemblée pour contrebalancer ? Ça va être aussi un des enjeux de la campagne : que vont-ils choisir ? L'ancrage des candidats de droite, notamment dans les zones plus rurales, peut aider à conserver plus facilement leur électorat qu'on pourrait le penser.
Cet aspect local des élections législatives, malgré la volonté de Jean-Luc Mélenchon d'en faire un scrutin national, peut-il venir contrecarrer les plans de NUPES ?
Les législatives sont un mix des deux. L'ancrage local est très vrai dans les villes moyennes et les communes rurales, mais beaucoup moins dans les zones de métropoles, où les gens ne connaissent pas leur député et où l’on fait un vote d'étiquette politique, hormis quelques cas. Il faut séparer ces deux France. Donc dans les villes moyennes et les communes rurales, oui ça va peser. Et c'est pour ça que la question des dissidences et des candidatures divers gauche va être très importante. Qu'un candidat dissident batte son adversaire de NUPES, ça semble difficile. Mais le score qu’il fera pourra l’éliminer au premier tour. C'est la même chose à droite, sauf qu'à droite, le paysage est déjà éclaté, donc il n'y aura pas beaucoup d'espace pour des dissidences, car les chances d'être élu, dans le contexte actuel, seront très faibles.
La droite n'a-t-elle aucune chance pour rester le premier opposant ?
Les Républicains, avec l'UDI, ont 120 députés. Or ils risquent d'en perdre. Ils peuvent donc venir mourir sous les 100 députés. Cette barre des 100 députés paraît tout à fait atteignable pour l'alliance de la gauche. Ils ont des bastions de départ assez solides et d'autres qui le deviennent grâce à cette union.