Prendre le temps de mûrir le projet et de le peaufiner ? Face à la polémique sur l'abattage d'arbres centenaires, la municipalité parisienne pourrait être contrainte de reporter le projet de réaménagement du «Grand site tour Eiffel». Celle-ci dément cette information.
Au cœur du problème ? La décision prise il y a quelques jours par la municipalité parisienne de préserver les arbres du site. Alors que le nombre d'arbres à abattre était déjà passé de 42 à 22, le premier adjoint à la mairie de Paris Emmanuel Grégoire a récemment annoncé qu'aucun arbre ne serait finalement abattu sur le site.
Une réorientation qui vient bouleverser les plans initiaux et donc matraquer le travail déjà réalisé sur le site. A tel point que l'enquête publique – indispensable au lancement des travaux – pourrait donc être, tout juste terminée, déjà obsolète. Or, si une nouvelle enquête publique est relancée, cela signifierait plusieurs mois de retard pour ce chantier qui était censé débuter dans les prochaines semaines.
Un scénario balayé par la municipalité parisienne, qui assure que «les permis de construire ont été acceptés». «Aujourd'hui, on a demandé aux services en charge du projet, notamment la société mixte Paris Seine, de travailler à des scénarios qui préservent les arbres existants [...] on a lancé des études complémentaires et une fois qu'on aura les résultats, on verra si cela nécessite des modifications de permis de construire avec des avenants», explique le cabinet d'Emmanuel Grégoire.
Côté municipalité, on maintient donc que le chantier ne prendra pas de retard, dans la mesure où les premiers travaux de cet immense projet qui va du Trocadéro au Champ-de-Mars débuteront comme prévu avant l'été au niveau du Trocadéro et de la place de Varsovie, côté 16e. Car si la polémique se concentre aux jardins du Champ-de-Mars, la municipalité tient à rappeler que «le gros du projet, ce n'est pas la tour Eiffel», qui «représente 30 à 35 % seulement du projet».
En attente d'une communication officielle
«La mairie de Paris, malgré ses promesses, continue d'avancer sur son projet d'aménagement Trocadéro Tour Eiffel comme si de rien n'était. Le début des travaux, et donc de l'abattage des arbres du Champ-de-Mars, mais aussi du quai Branly, est toujours prévu pour le 16 mai 2022», expliquait de son côté le groupe des élus d'opposition Changer Paris, mené par Rachida Dati.
Pour la maire du 7e arrondissement de Paris, «le sujet des arbres» n’est de fait «pas fini». Avec les élus de son groupe – qui réclament l'abandon du projet depuis des mois –, elle demande à ce que «les promesses» de la municipalité parisienne au sujet de la préservation des arbres centenaires soient «transformées en engagements fermes» et attend «une communication officielle de la Ville de Paris» à ce sujet.
Un avis partagé par les associations de protection comme France Nature Environnement ou encore SOS Paris, qui se sont plusieurs fois réunies au pied de la tour Eiffel ces derniers jours pour réclamer une remise à plat du projet. Pour l'un de ses membres, Philippe Khayat, la municipalité parisienne doit encore «éclaircir sa position», dans la mesure où celle-ci n'a pas explicitement détaillé ce qu'il adviendrait du projet initial.
«La mairie de Paris a dit qu'elle renonçait à abattre les arbres, mais n'a pas dit qu'elle renonçait aux constructions [de bagageries, kiosques et autres locaux commerciaux]», a-t-il notamment fait savoir lors d'une manifestation organisée vendredi dernier. Car la question se pose : comment la municipalité parisienne va-t-elle réussir à maintenir son projet en l'état sans abattre les arbres ?
Un rendez-vous avec les écologistes
Dans un courrier daté du 4 mai, la présidente du groupe des Ecologistes au Conseil de Paris Fatoumata Koné faisait elle aussi part de ses inquiétudes concernant l’abattage des arbres à Paris, réclamant «un rendez-vous» afin d'«échanger au sujet des projets de réaménagement des abords de la Tour Eiffel et de la Porte de Montreuil, ainsi que sur les programmes d’abattages prévus dans le cadre des projets urbains» à venir.
Selon l'élue écologiste, «plusieurs séries d’abattages réalisées depuis le début de la mandature» ont en effet été le point de départ «de vives réactions de la part des riverains, qui ne comprennent pas qu’une municipalité aux exigences écologistes puisse abattre des arbres». Et ce, malgré le Plan arbre adopté au Conseil de Paris d’octobre 2021.
Dans le cabinet d'Emmanuel Grégoire, on commence à pester : «ils veulent l'abandon du projet, alors que c'est un beau projet de végétalisation, pour lequel il est prévu de planter 200 arbres. Qu'on ne vienne pas nous dire que la ville bétonise, alors que ce projet s'inscrit dans la droite ligne de la politique portée par la ville de lutter notamment contre les îlots de chaleur».
«On prendra les décisions nécessaires, lorsqu'on aura toutes les clés en main», fait-on finalement savoir à l'Hôtel de Ville, avant de marteler que les plus grosses constructions, notamment les «consignes» que tout le monde appelle bagagerie, feront «450 m2 maximum» et seront construites «à 6 mètres du platane centenaire» qui déchaîne les passions.