Trois ans jour pour jour après l'incendie qui a partiellement détruit Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019, Mgr Patrick Chauvet revient sur les grandes étapes de la reconstruction de l'édifice et les échéances à venir. Le recteur et archiprêtre de la cathédrale nous a reçu dans son bureau.
En pleine semaine sainte, et alors que le président de la République Emmanuel Macron est attendu ce vendredi pour faire un point d'étape sur le chantier, Mrg Patrick Chauvet a rappelé l'importance des travaux en cours, indispensables pour pouvoir rouvrir la cathédrale au public comme prévu, en 2024.
Le chantier de reconstruction de Notre-Dame a désormais bien avancé. Peut-on revenir sur les grandes étapes ?
Il a fallu d'abord sécuriser la cathédrale, ce qui a pris beaucoup plus de temps que prévu. Parce que la cathédrale a bougé, parce qu'il a fallu mettre des étais, enlever les grosses statues. Parce qu'il a fallu enlever le grand échafaudage calciné et enchevêtré, qui menaçait la cathédrale. C'était la première partie, désormais achevée.
La deuxième partie consistait à faire l’état des lieux, estimer l’ampleur des dégâts et voir comment réparer. Il a par exemple fallu faire un plancher pour accéder aux voûtes, qu’on a été obligé de soutenir puisque l'eau utilisée par les pompiers a abîmé les joints [en sable, ndlr] entre les pierres de la voûte.
Arrive maintenant la troisième partie, la restauration proprement dite : il faut refaire la grande voûte, qui est aujourd'hui un trou béant, la charpente, qu'on appelle «la forêt», ainsi que la flèche. Il faut faire ces trois grands chantiers en même temps, et éviter d'avoir à tout démonter et remonter.
Les Parisiens verront dans le courant de l'année 2023 la flèche progressivement monter sur la cathédrale. Une flèche qui, comme vous le savez, sera reconstruite à l'identique, au centimètre près. Et dans les mêmes matériaux.
Quels ont été les grands enjeux de l'année écoulée ?
Il y a plusieurs choses : d'abord, il était question de faire des essais au niveau de la restauration des peintures, dans le déambulatoire, des essais au niveau du nettoyage des pierres. Mais il était également question de nettoyer la cathédrale, afin d'enlever toutes les poussières de plomb.
Nous avons aussi fait des fouilles archéologiques. Comme vous le savez, quand on fait des travaux dans un monument national, on est obligé de faire des fouilles préventives. Les nôtres ont été réalisées sous le podium liturgique. Des fouilles très intéressantes, puisqu'on a découvert de belles pièces qui appartenaient au jubé, daté du XIVe siècle.
Certaines avaient été déposées du temps des travaux de Viollet-le-Duc [entre 1845 et 1867, ndlr] au musée du Louvre, et d'autres avaient été enfouies là. Ce sont celles-ci que nous avons retrouvées, notamment de belles têtes ainsi que des corps colorés. Nous avons également retrouvé des fondations, et le chauffage qui avait été installé par Viollet-le-Duc.
Vous avez surtout fait une découverte historique...
On a effectivement retrouvé un sarcophage en plomb, qui date du XIVe siècle. Il s'agit sans doute d'un chanoine, inconnu puisqu'il n'y a pas de nom et que l'on sait que plus de 400 chanoines ont été enterrés dans la cathédrale.
Mardi, le sarcophage a été enlevé, pour que des experts puissent faire des études sur comment on préparait et enterrait les morts au XIVe siècle. J'ai accepté pour l'histoire de la cathédrale. En revanche, j’ai demandé qu’il soit vraiment traité avec respect et que le corps revienne.
Les fouilles étant terminées, il faut désormais reboucher l’ensemble du chantier, pour que l'on puisse installer dès la semaine prochaine les derniers échafaudages, accéder au trou [laissé par l'effondrement de la nef, ndlr] et commencer à reconstruire la voûte. Cela représente entre 300 à 500 tonnes d'échafaudages.
C'est la grande échéance de 2022 ?
Oui, finir de boucher le trou au sol, monter le nouvel échafaudage et ensuite, s'attaquer à la consolidation des voûtes et à la reconstruction de la grande voûte, de la charpente et enfin, de la flèche.
On continuera ensuite de nettoyer la cathédrale, où finalement très peu de choses ont été abîmées. Le feu n'étant pas rentré dans la cathédrale. Après le drame, il faut regarder le côté positif, c'est l'occasion quand même de nettoyer la cathédrale, comme on ne l'a jamais fait.
L'enquête judiciaire est en passe d'être terminée. Attendez-vous les conclusions du volet juridique de l'incendie ?
Je crois que, depuis le début, j'ai bien compris que cela n'allait être qu'une suite de coïncidences malheureuses. On ne trouvera jamais la réponse, Monsieur untel, Madame unetelle ou la société unetelle. Je ne pense pas que cela soit possible.
Il y a longtemps que je me suis fait à l'idée qu'on ne trouverait jamais [de coupable, ndlr]. Et comme je ne suis pas Sherlock Holmes, je fais confiance à la police judiciaire, qui a très bien fait le travail.
La promesse faite par Emmanuel Macron de rendre la cathédrale aux Français en 2024 sera-t-elle tenue ?
Le président Emmanuel Macron avait dit : "dans 5 ans, je vous redonnerai la cathédrale pour qu'elle soit au culte". Cinq ans, cela voudra dire le 16 avril 2024. Est-ce que ce sera cette date ou une autre ? Je souhaite dans tous les cas que cela soit le plus vite possible. Mais cela pourra être aussi en décembre 2024.
Je souhaiterais surtout que cela soit à l’occasion d’une fête mariale, comme le 8 décembre à l'occasion de la fête de l'Immaculée Conception. Ce serait un signe de délicatesse vis-à-vis de la Vierge Marie. Je suis persuadé que c'est Marie qui a protégé la cathédrale.
Je dis souvent qu'elle a été sauvée, grâce aux pompiers, grâce aussi aux Compagnons qui, dès le lendemain [de l'incendie, ndlr], étaient déjà à 5h du matin à essayer de consolider l'édifice mais surtout grâce à la Vierge Marie.
C'est inouï. Cette statue aurait dû exploser, puisque la grande voûte est tombée sur elle. Or les pierres étaient à ses pieds. Pour moi, cela a quand même été un signe. C'est elle qui a voulu rester jusqu'au bout. Elle n'a pas quitté le navire.