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L'édito d'Eugénie Bastié : «Remigration : l'immigration de A jusqu'à Z»

Dans son édito de ce mercredi 23 mars, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, revient sur l'idée d'Eric Zemmour de créer, s'il est élu à la présidence de la République, un ministère de la «Remigration».

Alors que le programme d’Eric Zemmour dévoilé la semaine dernière faisait seulement mention d’un «ministère de l’Immigration et de l’éloignement», le candidat à la présidentielle a franchi un nouveau cap en proposant lundi carrément un «ministère de la Remigration» pour «renvoyer tous les gens dont on ne veut plus», délinquants, criminels, fichés S, clandestins etc… Après avoir imposé le terme «grand remplacement» dans le débat, jusqu’à ce qu’il soit repris par d’autres candidats, Eric Zemmour veut à nouveau se distinguer. 

Le but ? Alors que l’actualité est saturée par la guerre en Ukraine et les inquiétudes sur le pouvoir d’achat, il veut percer le mur du son médiatique et remettre l’immigration, le thème fétiche qui a fait son succès à l’automne, au centre du jeu.  Eric Zemmour veut montrer qu’il est le seul et unique candidat prenant au sérieux cette angoisse identitaire, et la traitant de A jusqu’à Z.

Cette thématique comporte en réalité trois volets : limiter les entrées sur le territoire, que ce soit en tarissant le modèle d’aide sociales qui attire les migrants ou en renforçant les frontières, assimiler les personnes étant déjà sur le territoire, par des mesures plus ou moins contraignantes, et enfin troisième volet, renvoyer les clandestins dans leur pays de départ. Les deux premiers volets sont plus ou moins traités, à différent degré par les candidats de la droite. Il veut donc être le seul à traiter le troisième volet, celui du retour. 

A trois semaines du premier tour, c’est un pari assez osé, et cela témoigne d’une certaine fébrilité de la part du camp Zemmour, alors que Marine Le Pen se détache dans les sondages et que la perspective d’un vote utile en sa faveur peut prendre corps dans l’opinion.

Tout en utilisant un mot « remigration » extrêmement clivant, parce qu’il renvoie dans l’imaginaire européen- à tort ou à raison- à la «déportation» de la Seconde Guerre mondiale, Eric Zemmour dit s’inspirer d’un exemple consensuel et américain : Barack Obama surnommé «deporter-in-chief», expulseur en chef, parce qu’il a renvoyé chez eux 2,5 millions d’immigrés illégaux pendant son mandat. Normaliser son discours tout en brisant un tabou réclame beaucoup d’adresse, et surtout de la pédagogie, il n’est pas sûr qu’il ait le temps en trois semaines de gérer un nouveau front polémique. Il est bien tard pour lancer ce mot dans la campagne.

D’autant que la «remigration» soulève d’immenses problématiques qui peuvent être facilement instrumentalisées par ses adversaires : comment concrètement renvoyer les gens chez eux, par quels moyens ? Comment forcer les pays d’origine à récupérer leurs ressortissants ?  On peut se demander si cette stratégie est bien utile, alors que le camp Zemmour est déjà surmobilisé, qu’il n’a personne sur sa droite, et qu’il s’agit plutôt d’élargir le spectre que de motiver les électeurs. 

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