Depuis deux ans, avec le regain de l'utilisation détournée du protoxyde d'azote, ce sont de véritables trafics qui se mettent en place face à une demande qui grimpe en flèche. Sur les neuf derniers mois, 15 tonnes de ce produit ont été saisies par les forces de l'ordre.
Pour vendre quelques dizaines de secondes d'euphorie hilarante, ce sont maintenant de vrais trafiquants qui se mettent sur ce marché illégal. Car depuis le mois de juin dernier, la loi restreint la possibilité de se procurer du protoxyde d'azote dans le commerce. Il est désormais interdit d'en vendre à des mineurs, et les majeurs qui veulent en acheter doivent pouvoir justifier son usage professionnel légal.
Les délinquants y ont rapidement vu leur intérêt financier à 50 centimes la revente sous le manteau d'une cartouche de siphon de chantilly ou 25 euros la bouteille d'un litre. «Avec un litre, vous pouvez remplir environ 400 ballons de baudruche, une des méthodes répandues pour inhaler le gaz convoité», explique à CNEWS William Hippert, porte-parole adjoint de la police nationale pour l'investigation. «C'est lucratif et les filières d'approvisionnement se mettent clairement en place», poursuit-il. «Soit les malfaiteurs achètent directement le protoxyde à l'étranger, notamment aux Pays-Bas, soit ils braquent des transporteurs quand les camions entrent en France, soit ils cambriolent les remorques sur les aires d'autoroute ou alors ils vont se servir dans des hangars de stockage.»
Le produit arrive en France très grande quantité par les filières, les saisies sont inquiétantes : 15 tonnes au total sur les 9 derniers mois. Il y a par exemple ces 2 tonnes confisquées en novembre 2021 à Toulouse par une équipage de la BAC qui a surpris un déchargement d'un camion en provenance des Pays-Bas. Ou encore les 11 tonnes sur lesquelles la sûreté de Lyon a mis la main il y a quelques semaines, au terme d'une enquête de plusieurs mois sur une filière d'importation là encore des Pays-Bas. Ensuite, le produit vient garnir les étals des revendeurs clandestins : sur les réseaux sociaux bien sûr, mais aussi sur des points de deal dits classiques, à côté des doses de drogues ou dans le stock des vendeurs de cigarette de contrebande par exemple.
Pour faire face à cette organisation des délinquants, un délit de provocation à l'usage détourné du protoxyde d'azote a été créé et certains tribunaux poursuivent les revendeurs pour trafic de substance psychotrope, comme l'a fait le tribunal correctionnel de Nanterre en avril 2021 pour un réseau de vente à la sauvette. Car le protoxyde d'azote n'est pas considéré comme un stupéfiant, il est ainsi classé comme une substance «vénéneuse». A la base, il est utilisé comme propulseur dans les siphons à chantilly en cuisine ou dans le domaine médical comme analgésique notamment. «Mais utilisé en l'inhalant à des fins récréatives, alerte William Hippert, il peut engendrer une addiction et provoquer des troubles neurologiques voire des asphyxies.»