Quelques semaines après la publication du livre-enquête «Les Fossoyeurs» sur les méthodes douteuses du groupe Orpéa, et alors que le sujet de la maltraitance en Ehpad est devenu éminemment politique, un premier établissement situé à Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis (93) a été suspendu provisoirement par l'Agence régionale de Santé (ARS).
L'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) La Roseraie à Livry-Gargan (93), géré par le Groupe Médicharme, vient en effet de fermer ses portes provisoirement, après une inspection menée conjointement par l'ARS Ile-de-France et le conseil départemental de Seine-Saint-Denis.
Une situation jugée «grave» par l'ARS
Et les constats sont tout simplement «alarmants» selon l'ARS, qui explique que cette inspection «a fait état d’une situation grave mettant en danger la santé, la sécurité, le bien-être physique et moral des résidents», citant «des équipements et locaux vétustes et dangereux», «un défaut d’encadrement des personnels» et «le recours à des salariés en nombre insuffisant et non qualifiés, et livrés à eux-mêmes».
L'établissement avait déjà fait l'objet d'une inspection inopinée en juillet, à l'issue de laquelle la direction avait notamment reçu une liste de douze recommandations à suivre. Des demandes qui n'ont pas été prises en compte par le groupe gestionnaire privé, selon l'ARS, qui a fait savoir que le «plan d'actions» proposé par Médicharme était «insuffisant» voire «absent».
Les 27 résidents transférés
Dès lors, une administratrice provisoire a été désignée le 23 février dernier, dont la première mission a été «d’organiser le transfert des 27 résidents dans les autres Ehpad du territoire, adaptés à leur état de santé, dans le respect de leurs volontés et leurs projets d’accompagnement et en accord avec les familles», a ainsi fait savoir l'Agence régionale de santé.
Dans un second temps, l’administration provisoire sera également chargée de rencontrer «chaque agent individuellement pour faire le point sur sa situation personnelle et étudier ou faciliter les reclassements souhaités», explique encore l'ARS. A ce stade, nul ne sait si l'établissement pourra rouvrir ses portes, ni à quelle date ni dans quelles conditions.
Contacté, le groupe Médicharme n'a pas répondu aux demandes des journalistes. Sur son site, L'Ehpad La Roseraie était pourtant présenté comme «une petite structure pouvant accueillir jusqu'à 39 personnes, valides ou invalides, souffrant de la maladie d’Alzheimer, ou dépendantes». Deux formules étaient proposées, avec d'un côté l'hébergement seul, et de l'autre les soins liés à la «dépendance». Pour y habiter, il fallait débourser plus de 2.593 euros par mois.
Si elle n'a pas répondu à la question de savoir si cette fermeture provisoire était directement liée à la polémique qui touche un autre groupe privé Orpéa – soupçonné de vouloir maximiser ses bénéfices au détriment du bien-être des habitants – l'ARS a toutefois souligné que l'inspection avait été réalisée «dans le cadre du programme renforcé d’inspections» mené actuellement par l'organisme.
Depuis la sortie du livre-enquête «Les Fossoyeurs» (Ed. Fayard) signé par le journaliste Victor Castanet, l'Etat s'est emparé du sujet. Ce lundi 28 février, la Cour des comptes – plutôt habituée à encadrer les débordements budgétaires – a même préconisé d'augmenter les dotations publiques allouées aux Ehpad «de 12 à 17 % pour améliorer la prise en charge des résidents âgés et mettre fin à des disparités territoriales».
«Selon les options retenues», ces réformes pourraient représenter une «dépense supplémentaire comprise entre 1,3 et 1,9 milliard d'euros, soit une croissance de 12 à 17 % du montant global des dotations», ont ainsi fait savoir les Sages dans un rapport envoyé à la commission des Affaires sociales du Sénat.