L'enquête se poursuit. Une jeune trentenaire convertie à l'islam, qui était en lien sur les réseaux sociaux avec l'assassin de l'enseignant Samuel Paty en 2020 les jours précédents l'attaque, a vu sa mise en examen aggravée, requalifiée en complicité d'assassinat terroriste.
Jusqu'à son nouvel interrogatoire devant le juge d'instruction le 29 décembre, cette épouse religieuse d'un homme condamné récemment pour un projet d'attentat terroriste était soupçonnée d'«association de malfaiteurs» terroriste criminelle, une infraction moins grave. Elle demeure libre sous contrôle judiciaire. Son avocate n'a pas souhaité réagir.
Selon des documents consultés par le Parisien, le juge d'instruction a changé son analyse des faits et estime désormais que l'activité de Priscilla M. sur les réseaux sociaux constitue une complicité. Parce qu'elle a «(renforcé) la détermination d'Abdoullakh Anzorov à passer à l'acte criminel», «(facilité) la localisation de la victime» et lui «a (donné) les arguments idéologiques pour commettre l'assassinat de Samuel Paty».
La justice l'accuse également d'avoir tenu informé Anzorov, à sa demande, de l'absence de sanction contre l'enseignant qu'elle aurait vue comme «l'illustration de la non sanction du blasphème».
«Je n'aurais pas dû»
Les enquêteurs soupçonnent que c'est par Priscilla M. qu'Anzorov a vu pour la première fois la vidéo de Brahim Chnina, virulente à l'encontre de Samuel Paty, qui commençait à circuler sur internet.
Indignée par le récit de cette «discrimination» - qui n'a pas eu lieu - cette Nîmoise de 33 ans partage la vidéo. Anzorov, qu'elle ne connaissait pas et qu'elle n'a jamais rencontré, la contacte alors en privé sur Twitter. A partir du 9 octobre, cette mère de deux enfants, qu'elle élève seule, convertie à l'islam depuis le lycée, a donc échangé avec lui sous le pseudonyme
«Cicatrice sucrée» sur les réseaux sociaux plusieurs messages. «J'aurais dû, c'est vrai, attendre les explications avant de partager» la vidéo, a-t-elle reconnu devant le juge, se défendant d'avoir «à aucun moment» «cherché à motiver cet acte-là» (l'assassinat). Mais selon le juge, au cours de la conversation avec Anzorov, Priscilla M. tient «des propos incitant à la haine du professeur».
Selon les enquêteurs, Priscilla M. a eu des contacts avec plusieurs personnes de la mouvance islamiste radicale, qu'elle assure ne pas connaître pour la plupart. Elle était aussi très proche, entre avril 2020 et juin 2021, de la mère de l'un des assaillants du Bataclan, Foued Mohamed Aggad, qu'elle a rencontrée lors de leurs visites à des proches en prison.
15 personnes mises en examen
Au moins quinze personnes sont mises en examen dans ce dossier, dont six collégiens, le père de l'adolescente et le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui. Ce dernier, interrogé récemment par les juges, est toujours en détention provisoire.
Le 16 octobre 2020, ce professeur d'histoire-géographie, 47 ans, avait été poignardé puis décapité près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), par Abdoullakh Anzorov, réfugié russe d'origine tchétchène, tué peu de temps après par la police. Le jeune homme de 18 ans, radicalisé, lui reprochait d'avoir montré en classe des caricatures de Mahomet.
Dans un message audio en russe, il a revendiqué son geste en se félicitant d'avoir «vengé le prophète» insulté à ses yeux par Samuel Paty. Il avait pris connaissance de la polémique autour des caricatures via une vidéo sur internet réalisée par Brahim Chnina, père d'une collégienne visée par une exclusion pour indiscipline. L'adolescente avait menti à son père: elle avait assuré avoir été sanctionnée pour s'être élevée contre la demande de Samuel Paty faite aux élèves musulmans, selon elle, de se signaler lors de ce cours sur les caricatures, auquel elle n'avait pas assisté.