Le ministère de l’Intérieur doit dévoiler ce jeudi les principales statistiques de l’immigration pour l’année 2021. Déjà incontournable dans la campagne, le sujet devrait une nouvelle fois s’imposer dans la bouche des candidats.
Au moment où la défense de la souveraineté française est devenue un enjeu particulièrement sensible dans l’opinion publique, face à la mondialisation et à l’Union européenne (consommation, emploi, législation…), parler d’immigration permet de réaffirmer à moindre coût cette volonté, analyse Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique.
D’autant qu’avec la «dynamique collective du pays, qui va politiquement de plus en plus vers la droite et la droite dure», selon lui, parler de l’immigration et la dénoncer est devenu «un marqueur important pour s’identifier».
«Cela ne suffit pas à un candidat pour être élu mais c’est un enjeu de croyance, il lui permet de se donner du contenu sur le fait d’être Français, notamment face à l’Europe».
Un sujet martelé par la droite
Les exemples concrets de cette analyse ne sont pas compliqués à trouver. En remontant simplement à hier (mercredi), Eric Zemmour était ainsi à Calais, sur le site de l’ancienne «jungle», lieu hautement symbolique (jusqu’à 10.000 migrants s’y entassaient, avant qu’elle soit démantelée en 2016).
Le candidat de «Reconquête!» à la présidentielle en a profité pour dénoncer, selon lui, l’échec du traité de Schengen (libre circulation des personnes et des biens entre les pays de l’Europe qui en sont membres, ndlr), qui a entraîné, dit-il, «une immigration folle qui détruit tout sur son passage» et «une Europe qui a complètement renoncé à se protéger des invasions migratoires».
Ses propos intervenaient quelques instants après ceux d’Emmanuel Macron, qui, à l’estrade du Parlement européen, avait lui aussi abordé ce thème, estimant qu’il fallait réformer cet espace Schengen «pour protéger nos frontières extérieures» et «lutter contre les réseaux de passeurs».
Jordan Bardella, eurodéputé Rassemblement national, avait immédiatement réagi en estimant que les pays européens ne devaient «ni disparaitre, ni être remplacés, ni être submergés». Une illustration de l’empressement de la droite du paysage politique français et du président sortant d’occuper le terrain sur le thème de l’immigration. Laissant quelque peu aphone, ou inaudible, la gauche.
«Il y a eu une tentative d’amener la gauche vers ce sujet et les questions identitaires, avec le Printemps républicain notamment, mais dans son ensemble, celle-ci se recompose plutôt autour d’un pôle "woke", qui ne fait pas du tout de l’immigration un problème», reprend Philippe Moreau-Chevrolet. Avec pour conséquence de laisser le champ libre au camp d’en face pour se saisir d’un sujet, qui, s’il n’est pas le prioritaire pour les Français (pouvoir d’achat, sécurité, santé) reste toujours parmi les principaux qui les préoccupent.