Dans son édito de ce vendredi 12 janvier, Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation IFRAP, revient sur les chiffres de l'inflation en France.
C’est très étonnant ce qui est en train de se passer. La France serait selon les chiffres de l’INSEE à 2,8% d’inflation en 2021 quand l’Allemagne est à 5,3%. Pour se rassurer, on se dit que cette progression des prix est inquiétante mais largement inférieure à celle de nos voisins européens.
Les prix de l’énergie ont une progression de plus de 18% sur un an, les prix de l’alimentation ont progressé de 1,4 %, les prix des services de 1,8%.
L'inflation, vraiment à 2,8 % ?
Eurostat n’arrive pas aux mêmes chiffres que l’INSEE. Son indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) - calculé différemment et qui sert de base de comparaison au niveau européen - a progressé en décembre de 3,4 % sur un an pour la France en 2021.
Depuis plusieurs mois la petite musique qui prévaut est de dire que l’inflation est temporaire mais il semblerait qu’elle demeure bien présente en 2022.
Pour la zone euro, la prévision d’inflation est de 3,2% en 2022. Pour la France, la prévision d’inflation 2022 de l’INSEE est de 2,5 % à horizon de la mi 2022, mais d’autres, notamment Rexecode, estiment qu'il faut réévaluer les prévisions et que l’inflation 2022 serait plutôt de 3%.
Le gouverneur de la Banque de France a récemment déclaré : «Je garantis que nous ferons ce qu'il faut pour que l'inflation revienne autour de 2% dans la durée». Mais bon, on n’y croit pas trop puisque l’inflation a été de 5% en zone euro en 2021 et que l’inflation française semble sous-évaluée.
On dirait que la BCE au contraire laisse sciemment filer l’inflation puisqu’elle n’annonce pas de resserrement immédiat de sa politique monétaire avec des taux qui restent à 0 contrairement à ce que commencent à faire la FED et la banque d’Angleterre qui ont relevé leurs taux.
Pourquoi laisser filer l'inflation ? Tout simplement pour écraser les dettes publiques, pour qu’elles soient mécaniquement plus basses par rapport au PIB et dans le bilan de la BCE.
Ce sont en fait les épargnants, les retraités européens qui vont payer mécaniquement la note de la crise sanitaire sans que les gouvernements européens aient besoin de lever des impôts. Fin octobre, le quotidien populaire allemand Bild avait ainsi affublé Christine Lagarde du sobriquet de «Madame Inflation» qui «appauvrit les épargnants et les retraités».
Il est du reste inapproprié de dire que l’inflation est l’invitée «surprise» post-covid alors que toutes les mesures prises par les autorités - contraintes sur l’économie, ouverture des vannes publiques, arrosage monétaire - créent mécaniquement de l’inflation.
Les prix n’ont donc pas fini de monter car si les ménages européens peuvent raisonnablement craindre le retour de l’inflation, les Etats eux s’en réjouissent.