A moins de 100 jours du premier tour de l'élection présidentielle de 2022, le 10 avril, la situation sanitaire en France n'est pas satisfaisante. Face à la courbe des contaminations repartie à la hausse, les différents candidats doivent réinventer leur stratégie pour l'adapter au Covid-19, cet adversaire commun qui entrave la campagne de bien des façons.
Un calendrier bousculé et incertain
Le mois de janvier devait sonner le véritable lancement de la campagne, rythmé par la présentation des programmes de chacun et les premiers meetings d'envergure. C'était compter sans Omicron qui, en faisant bondir les contaminations au Covid-19, a dicté son propre agenda.
Résultat : les candidats temporisent. Non seulement l'annonce de la candidature d'Emmanuel Macron semble régulièrement repoussée, mais peu de grands rassemblements sont programmés d'ici au mois d'avril. Car même si la Constitution française ne permet pas d'imposer des restrictions aux réunions politiques (jauges ou vérification du pass sanitaire par exemple), le gouvernement a appelé chacun à un «esprit de responsabilité».
Aussi, Valérie Pécresse (LR) a annulé son premier meeting du 11 décembre, tandis que Marine Le Pen (RN) a repoussé son grand rassemblement de Reims au 5 février, «à cause de la situation sanitaire et du pic épidémique prévu autour du 15 janvier», date initialement choisie. Pour les candidats il devient difficile de se projeter, sachant que l'évolution incertaine de l'épidémie peut tout remettre en cause d'une semaine à l'autre.
Une campagne sous jauge ou à distance
D'ordinaire, l'exercice même de la campagne implique d'aller à la rencontre des Français, mais pour la présidentielle de 2022 cela semble impossible. Sans être interdits, les meetings sont contraints car aucun des prétendants au titre de président(e) de la République ne souhaite voir l'un de ses rassemblements se transformer en cluster.
Les équipes politiques sont elles-mêmes confrontées à des cas de Covid-19 dans leurs rangs et le travail des militants est rendu difficile puisque la tractation et le porte à porte ne vont plus de soi. Dans ce contexte, les réseaux sociaux représentent un outil privilégié car ils permettent d'atteindre un grand nombre de Français sans risquer de favoriser la circulation du virus.
Ainsi, les écologistes de Yannick Jadot ont annoncé leur intention d'organiser des événements «dans des formats numériques», de même que Jean-Luc Mélenchon (LFI), présent depuis longtemps sur diverses plate-formes, y compris Twitch et TikTok. Mais tous les candidats ne sont pas rompus aux usages et aux codes des réseaux sociaux et la plupart d'entre eux ne veulent pas se contenter d'une campagne à distance.
Alors, à gauche, Anne Hidalgo (PS) a décidé de suivre les consignes du gouvernement en instaurant des jauges lors de ses meetings, de même que Valérie Pécresse, à droite, qui plébiscite également le contrôle du pass sanitaire.
Yannick Jadot (EELV), préfère quant à lui organiser des rassemblements de plus petite envergure, si possible à l'extérieur, quand Fabien Roussel (PCF) plaide pour des jauges «proportionnelles à l'espace». D'autres enfin, à l'image de Marine Le Pen, Eric Zemmour (Reconquête!) et Jean-Luc Mélenchon s'opposent ouvertement au principe des jauges.
Pour l'heure, chacun compose donc sa propre recette et, pour apporter un peu de cohérence, une commission spécifique concernant l'organisation de la présidentielle doit être organisée aujourd'hui, mardi 11 janvier, en présence de toutes les formations politiques. Selon le Premier ministre, Jean Castex, elle doit permettre de «nous accorder sur des règles» à la fois «protectrices par rapport à la situation sanitaire» et qui n'entravent pas «l'exercice de la démocratie».
Le débat dans l'ombre de la crise
Dans ce contexte de rebond épidémique, les candidats sont confrontés au défi de se faire entendre sur d'autres thématiques que celle de la pandémie.
Beaucoup ont élaboré leur programme et leur stratégie autour d'un thème spécifique, écologie, sécurité, immigration, pouvoir d'achat ou autres, qu'il va falloir rendre visible dans une période ou tout semble tourner autour du Covid-19.
Le tout, sans pouvoir user pleinement des ressorts leur permettant habituellement de défendre leur programme (meetings, distribution de tracts, débats, visites en tout genre...).
Un report inenvisageable
En 2020, le second tour des municipales avait été repoussé de plusieurs mois à cause de la situation sanitaire déjà dégradée à l'époque. Le scénario s'était répété lors des élections régionales, qui se sont tenues en juin plutôt qu'en mars. Mais, le 22 décembre dernier, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a indiqué qu'Emmanuel Macron excluait tout report de l'élection présidentielle 2022, malgré la progression du virus.
Il se trouve que la Constitution ne prévoit que trois cas de report total ou partiel de ce scrutin, liés à la fraude ou à la mort ou l'indisponibilité d'un candidat. Pour repousser le vote de plusieurs mois à cause du Covid-19, il faudrait donc réviser la Constitution en urgence, avec l'accord de tous les partis politiques.
Interrogé par Public Sénat, Benjamin Morel, docteur en science politique, explique en outre que «selon l'article 7 de la Constitution, l'élection présidentielle ne peut avoir lieu qu'entre 20 jours et 35 jours avant l'expiration du mandat du président en exercice». Sachant que la passation de pouvoir entre François Hollande et Emmanuel Macron a eu lieu le 14 mai 2017, le scrutin ne pourrait qu'être décalé de quelques jours et encore, seulement si «le Conseil constitutionnel, le Parlement et l'opposition s'entendent».
la sécurité du vote en question
Le problème s'était déjà posé lors des précédents scrutins perturbés par le coronavirus : comment permettre aux Français de se rendre aux urnes sans risquer de contracter le Covid-19 ?
La France pourrait suivre l'exemple des Etats-Unis, qui ont adopté le vote par correspondance lors de la dernière présidentielle américaine, ou préférer le vote électronique. Une mission d'information intitulée «Le vote à distance, à quelles conditions ?» a déjà été conduite par le Sénat, sous la présidence du patron de la commission des lois, François-Noël Buffet.
Si les modalités du scrutin seront sans doute plus précisément discutées lors de la commission spécifique prévue ce mardi 11 janvier, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a d'ores et déjà présenté un texte qui modifie l'organisation de la présidentielle et le code électoral. L'objectif est de faciliter le processus de procuration, notamment en faveur d'un électeur qui n'est pas inscrit sur la même liste électorale que soi.