C’est la boule au ventre que Dinah, Alisha, Evaëlle et tous les autres se sont chaque jour rendus en classe. Guettant le prochain coup, l’énième insulte. Victimes de harcèlement scolaire, ces enfants et ces ados ont souffert au point de mettre fin à leurs jours.
Leurs prénoms et leurs visages sont désormais tristement connus de tous et ils sont devenus le symbole d’un phénomène inquiétant, mis en lumière par la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, organisée aujourd’hui, qui a pour objectif de sensibiliser et de proposer des outils afin d’éviter de nouveaux drames.
Jeudi 18 novembre, journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’École : à cette occasion sera dévoilée la campagne de sensibilisation 2021-2022 #NonAuHarcelement
Victime ou témoin de #harcelement ou de #cyberharcelement, il faut en parler !
Contactez le 30 20 pic.twitter.com/IsuYZwVBkl— Ministère Éducation nationale, Jeunesse et Sports (@education_gouv) November 17, 2021
Au départ, le harcèlement scolaire est clairement défini comme «une intention agressive qui dure et se répète, avec une relation d'emprise dominant-dominé dont la victime ne peut pas se sortir seule». Mais il est aujourd’hui un phénomène en mutation. Pour Nicole Catheline, pédopsychiatre spécialiste des troubles scolaires, sa définition évolue pour insister sur la «dynamique de groupe» et «le déséquilibre dans le rapport de force». Une personne, seule, devient la cible de «la meute».
Les brimades reposent «toujours sur une histoire de différence», même s’il n’existe pas de profil type de victime. L’experte parle plutôt de «profil de situation», expliquant que les différents protagonistes, harceleur et harcelé, se rencontrent «à un moment de leur vie où tous ont des fragilités». Selon un rapport du Sénat publié en septembre, 6 à 10% des élèves français seraient touchés par le harcèlement au cours de leur scolarité.
Récemment, le phénomène a pris une autre dimension, encore plus angoissante, au travers des réseaux sociaux. Agissant comme un «amplificateur», ces derniers étendent la violence bien au-delà des murs de l’école. Terrifiées, les victimes taisent le plus souvent leur souffrance et il n’est pas rare que leur calvaire ne soit découvert que de longs mois après le début des faits.
La prévention est cruciale
Sachant que, plus la violence dure, plus les dégâts sont sérieux. Anxieux, l’enfant harcelé voit souvent ses notes chuter, sa confiance en lui disparaître et sombre parfois dans la dépression. Sans aide adéquate, on estime que le risque de suicide à l’adolescence est alors multiplié par 4, et celui de dépression chronique à l’âge adulte, par 2.
Une intervention précoce, voire préventive, est donc cruciale. Aux parents, Nicole Catheline conseille d’être attentifs à «tout changement brutal de comportement». Les familles peuvent en outre joindre les numéros d’urgence, le 3020 et le 3018, sans oublier de se rapprocher rapidement de l’équipe pédagogique.
A la rentrée 2021, le gouvernement a en effet annoncé la généralisation du programme pHARE, qui prévoit la formation d'une équipe de cinq référents harcèlement par école, ainsi que la nomination d’au moins dix élèves ambassadeurs par établissement, ou la mise en place de dix heures de formation par an.
Pour Eric Debarbieux, professeur en Sciences de l’éducation, la prochaine étape doit être le renforcement de la «co-éducation» des jeunes, grâce à la formation de tous les référents : enseignants, parents mais aussi infirmières scolaires ou psychologues. A l’heure où le harcèlement vient tourmenter les enfants même à la maison, seule la coopération des adultes peut les protéger. Et faire cesser leur calvaire.