Insultés, menacés, humiliés. Frappés parfois. Les professeurs ont, ces dernières semaines, été visés par une violence choquante mais qui ne date pas d’hier.
A Combs-la-ville (Seine-et-Marne), une enseignante a été violemment projetée au sol par un élève, tandis que deux autres filmaient la scène. La veille, une institutrice était rouée de coups de poings et de pieds par un enfant âgé de seulement 8 ans à Brunoy, dans l’Essonne. Lundi, un professeur drômois était à son tour agressé, visé par un jet de chaise. Une série noire non-exhaustive mais qui n’a en plus rien d’exceptionnel, à en croire les chiffres.
Chaque année, l’Autonome de solidarité laïque (ASL), un ensemble associatif présent dans tous les départements pour accompagner et protéger les enseignants, publie son Baromètre du climat scolaire. Le dernier en date, concernant 2020, montre une baisse du nombre de dossiers traités par l’ASL, de 20% en moyenne.
Mais cette donnée relève en fait du «trompe l’œil», ne serait-ce que parce que la situation sanitaire a vidé les établissements scolaires. L’analyse des chiffres mois par mois indique qu’en «année normale» le nombre de procédures ouvertes aurait été au moins égal, voire supérieur à l’année 2019, puisque des «pics» de signalements ont été enregistrés en dehors des confinements. Les professeurs ont par ailleurs été confrontés à d’autres formes de violences, liées aux outils numériques utilisés pour faire classe à distance.
Mais, d’après les récents événements, le retour en présentiel n’a pas été plus aisé. En réaction à l’agression de Combs-la-Ville, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, s’est engagé à ériger cette affaire en «démonstration» de la «fermeté» du gouvernement à l’égard des violences scolaires, «aussi bien sur le plan pénal que sur le plan disciplinaire».
«LA PEUR AU VENTRE»
Si l’on en croit l’enquête Sivis 2019-2020, menée par le ministère, le degré d’exposition à la violence diffère suivant les établissements, leur type, taille et profil social. Les chiffres de l’ASL soulignent que l’effort doit profiter aux personnels d’éducation du 1er degré, qui sont les plus exposés (59% des dossiers traités), sachant que la majorité des plaintes enregistrées concernaient des insultes et menaces (45,7%) ou de la diffamation (24,9%), infligées par les élèves, leurs proches ou des «tiers non-identifiés».
Un plan spécifique a pourtant été mis en œuvre en août 2019, pour lutter contre les violences à l’école. Il a principalement instauré des référents violence dans chaque département, une collaboration accrue entre ministères de l’Education nationale, de la Justice et de l’Intérieur, un accompagnement personnalisé des professeurs victimes ainsi que la possibilité d’inscrire des élèves «polyexclus» dans des «classes relais», sans l’accord de leur famille.
Son efficacité est encore difficilement mesurable, en particulier après deux années scolaires troublées par le coronavirus, mais les professionnels témoignent d’un «sentiment d’abandon» tenace. C’est le cas de l’équipe pédagogique du lycée Jean-Moulin de Roubaix, dans lequel une enseignante a été agressée mardi. Faisant valoir leur droit de retrait, ses collègues ont déploré, auprès de La Voix du nord, un manque «de moyens humains» qui entretient «une vraie insécurité» et les oblige à venir travailler «la peur au ventre».