Retardé par la crise du Covid-19, le plan d'investissement «France 2030», porté par le gouvernement, doit permettre à l'Hexagone de faire face aux enjeux économiques et industriels du monde de demain. Ce mardi 12 octobre, Emmanuel Macron a présenté les grands objectifs de cette stratégie lors d'un discours à l'Elysée.
A quelques mois de la fin de son quinquennat, le chef d'Etat a énuméré les «défis» auxquels la France va devoir faire face dans le futur. D'abord celui de l'environnement, «un défi profond qui change évidemment nos moyens de produire, d'abord de l'énergie, de faire de l'industrie, de nous déplacer, de consommer, de nous alimenter». «Impensé de nos politiques publiques» récentes, le second défi est démographique, quand le troisième est celui des «inégalités».
Aujourd’hui est le lancement d’une grande aventure. Nous préparons la #France2030.https://t.co/ZRkl4ZW4eK
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 12, 2021
Le chef d'Etat a estimé que des leçons doivent être tirées de la pandémie, notamment concernant «notre organisation collective» qui a montré les vulnérabilités françaises, et «notre dépendance vis à vis de l'étranger». Selon lui, la crise a par ailleurs révélé «la force du modèle éducatif et social français», «l'extraordinaire accélération de l'innovation» et la capacité à «recréer de la coopération nationale et européenne».
Aujourd'hui confrontée à «un déficit public, un déficit de croissance potentielle et un déficit du commerce», la France doit «produire davantage» en adoptant «une stratégie macroéconomique d'innovation industrielle» qui puisse à lui rendre son indépendance, sa puissance économique et son leadership dans certains secteurs.
Pour cela, il faut «mener ensemble» les batailles de l'innovation et de l'industrialisation, sans dissocier l'une de l'autre. C'est le seul moyen, selon lui, pour «retrouver un cycle vertueux : innover, produire, exporter et financer le modèle social». Quitte à y consacrer «beaucoup d'argent public et privé», a souligné le chef de l'Etat.
Voilà pourquoi «30 milliards d'euros» seront alloués au plan «France 2030». Ils iront notamment aux secteurs dans lesquels l'Hexagone peut «prendre le leadership», mais aussi dans ceux que l'ont ne peut pas abandonner, au risque de «construire une dépendance». Le plan «France 2030» s'articule ainsi autour de trois grands thèmes : Mieux produire, Mieux vivre et Mieux comprendre, eux-mêmes déclinés en différents objectifs.
Mieux produire
- Réinventer le nucléaire : La production de l'énergie est, selon Emmanuel Macron, «le premier sujet», alors que «plus personne ne met en cause le fait» que le monde «doit émettre moins de carbone». Précisant que la France est parmi les pays d'Europe qui «émettent le moins de tonnes de CO2 par électricité produite», le chef de l'Etat a assuré que c'est grâce «aux 200.000 Françaises et Français qui travaillent dans le secteur du nucléaire».
Il souhaite donc le développement des «small modular réacteurs (SMR)», des réacteurs «beaucoup plus modulaires et beaucoup plus sûrs». Il s'agit aussi d'investir dans «les technologies pour mieux gérer nos déchets» nucléaires. Un milliard d'euros sera alloué à l'ensemble de cet objectif.
- Devenir leader de l'hydrogène vert en 2030 : Le gouvernement estime qu'il faut investir massivement dans cette filière au sein de laquelle la France «a des atouts». Nous avons «la possibilité de faire de l'électrolyse [nécessaire à la production d'hydrogène, ndlr] très décarbonée, c'est une énorme chance», a développé Emmanuel Macron. D'ici à 2030, l'objectif est de compter «au moins deux Gigafactory d'électrolyseurs» sur le territoire afin de «produire massivement de l'hydrogène et l'ensemble des technologies utiles à son utilisation». Quelque 500 millions d'euros seront notamment dévolus au développement des énergies renouvelables.
- Décarboner l'industrie : Dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement s'est engagé à diminuer de 35% les émissions du secteur industriel, entre 2015 et 2030. «On est en 2021, on a fait 4%», ajoute Emmanuel Macron. Il faut donc investir pour aider les grandes industries à décarboner leur production car «si l'Europe ne conduit pas cette stratégie, sa base productive ira produire à l'autre bout du monde». Ce plan reposera aussi sur le développement des technologies de digitalisation et de robotisation. Plus de 8 milliards d'euros seront alloués à cet objectif de décarbonation.
- Rouler électrique : Le président de la République souhaite que deux millions de véhicules électriques et hybrides soient produits en France d'ici à 2030. «Ce que nous ne voulons pas, nous, nation de l'automobile, c'est devenir la nation qui roulera le plus vert avec des voitures qui ne seront pas produites chez nous», prévient Emmanuel Macron. Pour y parvenir, il demande aux constructeurs français de jouer le jeu, sinon «cette affaire ne réussira pas».
- Produire en France le premier avion bas carbone, à l'horizon 2030 : le chef de l'Etat insiste sur le fait que la France est «un grand pays d'aéronautique». «L'automobile et l'aéronautique sont deux secteurs au coeur de l'imaginaire industriel français, ils doivent être au coeur de son avenir». Au total, 4 milliards d'euros seront investis «sur les acteurs des transports du futur».
Mieux vivre
- Manger mieux : il s'agit ici de favoriser une «alimentation saine, durable et traçable», pour «accélérer la révolution agricole et agroalimentaire [...] sur laquelle la France est un des pays leader». Trois révolutions seront au coeur de cet objectif : le numérique, la robotique et la génétique. 2 milliards d'euros, dont des fonds propres, seront consacrés à ces enjeux.
- Innover dans le domaine de la santé : C'est un secteur dans lequel la France «était au premier rang de la production européenne il y a vingt ans», a indiqué le chef de l'Etat. «Nous sommes aujourd'hui au quatrième rang», regrette-t-il. Son «plan Santé Innovation 2030», annoncé en juin dernier, a donc été dôté de 7 milliards d'euros. L'objectif est que la France puisse «d'ici à 2030» produire «au moins vingt biomédicaments contre les cancers, les maladies émergentes et les maladies chroniques, dont celles liées à l'âge».
- Gagner la bataille des contenus culturels : «Si notre jeunesse en 2030, n’a le choix qu’entre des contenus qui sont produits par d’autres puissances, que nos histoires sont perdues, que les fictions que nous regardons ne sont plus celles qui sont produites en France, notre patrimoine culturel comme notre création contemporaine, (...) nous changeons de monde drastiquement», déplore Emmanuel Macron. Aussi, cet objectif doit permettre de «déployer et investir massivement pour nos studios, la formations de nos professionnels» et le développement de nos contenus.
Mieux comprendre
- La conquête spatiale : le président de la République a à coeur que la France «prenne sa part à la nouvelle aventure (spatiale)». Le pays cible «plusieurs objectifs à court terme» en la matière : la conception de mini-lanceurs réutilisables d'ici à 2026, «mais aussi les micro-satellites, les constellations de demain et l'ensemble des innovations technologiques et de services».
- Connaître les grands fonds marins : un sujet indispensable pour «la deuxième puissance maritime au monde». Il est question d'investir dans des innovations en la matière «pour ensuite évaluer les applications possibles et conduire ce cheminement», a indiqué Emmanuel Macron.
- «Doubler» la production électronique : Le chef d'Etat souligne ici la nécessité de «sécuriser» l'approvisionnement en puces de la France, tout en construisant «une feuille de route vers des puces électroniques de plus petite taille pour rester un des leaders du domaine». Près de 6 milliards d'euros seront investis pour remplir ces objectifs.
- Investir dans les talents : 2 milliards et demi d'euros seront alloués à ce sujet. Auxquels pourront s'ajouter «près de 5 milliards d'euros, dont 3 milliards en fonds propres» injectés «pour la croissance de nos écosystèmes de recherche et d'innovation», notamment en matière de «deeptech». Le gouvernement vise l'émergence «d'au moins cent sites industriels par an» dans ce secteur.
Un «rêve possible»
Après avoir exposé son plan «France 2030» dans le détail, Emmanuel Macron a partagé son envie que tout «commence vite». Aussi, «les premiers crédits seront budgétés avec une cible de 3 à 4 milliards d'euros» dès le 1er janvier 2022. Pour être dans les temps, le chef de l'Etat souhaite «la simplification de l'organisation, des procédures et du pilotage de France 2030».
Le président de la République est convaincu que les objectifs présentés dans le plan «France 2030» relèvent d'un «rêve possible, en se donnant les moyens d'y arriver». «Je veux que collectivement nous nous donnions à nous-mêmes pour notre nation», a-t-il conclu.