Alors que le bailleur social Côte d’Azur Habitat lance un plan d’expulsions massif de locataires dans certains quartiers prioritaires de Nice, plusieurs associations dénoncent un procédé «répressif» et s’apprêtent à saisir la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) et de la Défenseure des droits.
Après l’expulsion il y a un mois d’une mère de famille dont le fils a été condamné pénalement, 72 autres procédures de résiliation de bail seraient en cours de préparation à Nice, selon Côte d’Azur Habitat. Cette initiative est rendue possible grâce à la signature d’une convention entre le bailleur social, la ville, le préfet et le procureur de la République afin d’avoir accès aux poursuites en cours et aux condamnations pénales de ses locataires. Un nouveau règlement intérieur permet l’expulsion des occupants d’un logement si l’un d’entre eux commet des dégradations ou est condamné par la justice «pour toute infraction». Le bailleur instaure ensuite un «Conseil des droits et des devoirs» afin de convoquer les familles en présence de la police.
«Des enfants pourront se retrouver à la rue à cause des actes d'un parent ou d'un ainé»
Or, pour les associations de défense des locataires, Côte d’Azur Habitat «tourne le dos à sa vocation sociale pour s’instaurer juge de qui «mériterait» ou non un logement social en invoquant le terme anxiogène «d’ennemis de la République», terme utilisé par le gouvernement pour désigner les terroristes.» «Le bailleur social instaure une sanction collective dont sont victimes des personnes pour les actes commis par d’autres. Des enfants pourront ainsi se retrouver à la rue à cause des actes d’un parent ou d’un ainé. Des familles entières, déjà socialement défavorisées, seront mises au ban. On ne peut pas mettre à la rue les familles pour prétendre combattre le trafic de drogue».
Le bailleur social justifie sa démarche. «L’urgence sociale ne suffit pas pour prioriser les dossiers, souligne le président de Côte d'Azur Anthony Borré, également 1er adjoint au maire de Nice. Je prends en compte la méritocratie. (…) Je veux faire savoir à ceux qui trafiquent (…) : qu’ils quittent ces quartiers.», avant d’ajouter. «J’ai 16 000 demandeurs qui, eux, respectent les lois de la République, et attendent patiemment de pouvoir bénéficier de ces logements».
«Absence d’une véritable politique sociale de prévention de la délinquance»
Mais, les associations qui militent contre ces procédures d’expulsion précisent - en s’appuyant sur le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre - que «la loi SRU qui préconise 25 % de logements sociaux n’est pas respectée : Nice plafonne à 13 % et paye cette année 416 000 € de pénalités. Expulser certains locataires pour libérer des logements ne suffira pas à loger les 16 000 demandeurs actuels et la construction de logements très sociaux devrait être la priorité des pouvoirs publics».
Le collectif qui dénonce «l’absence d’une véritable politique sociale de prévention de la délinquance dans les quartiers », vient de saisir la CNIL «sur la transmission informatique de données judiciaires entre le procureur de la République et Côte d’Azur Habitat » et la Défenseure Des droits concernant ces « sanctions sociales collectives».