Plus d'un an et demi d'enquête pour viols sur mineurs sur Gabriel Matzneff, arrivant bien trop tard : l'une des accusatrices de l'écrivain, Francesca Gee, dénonce un certain gâchis dans un livre «L'Arme la plus meurtrière» à paraître ce mardi 28 septembre.
Lors de la publication en janvier 2020 du récit à charge de Vanessa Springora, «Le Consentement», racontant la relation dans les années 1980 entre l'adolescente et un homme âgé de près de 50 ans, le parquet de Paris avait ouvert cette enquête. Et il avait mis de gros moyens, révèle Francesca Gee.
Cette ancienne journaliste britannique d'origine italienne, qui a principalement travaillé pour l'agence Reuters à Paris, le sait pour avoir eu elle aussi eu une relation avec Gabriel Matzneff à l'adolescence, dans les années 1970.
Elle connaissait très bien cet homme et ses habitudes. Et les fonctionnaires de l'Office central de répression des violences faites aux personnes (OCRVP) l'avaient rapidement entendue comme témoin.
Un policier cité dans son livre sur Gabriel Matzneff, «L'Arme la plus meurtrière», lui confie, début 2020: «Nous sommes onze au total et trois, quatre, cinq à plein temps sur cette affaire».
La prescription pressentie
Depuis, peu de nouvelles. Francesca Gee sait seulement que les enquêteurs, après avoir saisi chez ses éditeurs toute la littérature publiée par un écrivain âgé aujourd'hui de 85 ans, mènent un travail de bénédictin pour retrouver d'éventuelles victimes plus récentes de son goût pour «les moins de 16 ans», comme il avait intitulé un essai de 1974.
Ils n'en ont trouvé aucune à ce stade, indiquent à l'AFP des sources judiciaires et policières.
Sauf rebondissement, l'enquête s'oriente, pour cause de prescription, vers un classement sans suite, intervenant dans les prochains mois, d'après une source proche du dossier.
Interrogée par l'AFP, Francesca Gee n'est pas surprise, mais triste, de ce dénouement annoncé. «L'enquête est enlisée... Ça ne m'étonne pas. Quand je suis allée témoigner à Nanterre, j'ai tout de suite dit qu'ils ne trouveraient pas de victime».
Des multiples plaintes
«Je n'attendais pas grand-chose de l'enquête pénale parce que je savais très bien que ça faisait des années soit que Matzneff ne faisait rien, soit, en tout cas, qu'il ne le racontait plus», ajoute-t-elle.
Le récit de Francesca Gee, autopublié, n'a pas trouvé d'éditeur. Au sujet du fonctionnement de Gabriel Matzneff, il apporte pourtant un complément utile à celui de Vanessa Springora aux éditions Grasset.
Ni l'une, ni l'autre n'a porté plainte. Mais il y a eu de multiples plaintes, sans doute des dizaines. «Je ne sais pas combien, mais énormément de parents ont porté plainte», assure l'ancienne journaliste. «Et il a bénéficié de soutiens qui pour moi restent incompréhensibles».