Comme tous les 21 septembre, Toulouse a commémoré mardi l'explosion de l'usine AZF qui a fait 31 morts et des milliers de victimes, il y a 20 ans.
A 10h17, ce vendredi 21 septembre 2001, un «bang» pétrifiant a retenti dans Toulouse, faisant basculer la ville dans l'horreur. Dans l'esprit de la population, dix jours seulement après les attentats contre les tours jumelles de New York, la Ville rose vient à son tour d'être frappée par la vague terroriste.
En réalité, quelque 300 tonnes de nitrate d'ammonium viennent d'exploser dans un hangar de l'usine chimique AZF, dans la banlieue sud de l'agglomération. Bâtiments de béton éventrés, poutrelles pliées par la violence de la déflagration, le hangar désintégré a cédé la place à un cratère impressionnant : 6 m de profondeur pour 30 m de diamètre.
Mais les dégâts ne s'arrêtent pas à l'usine. A proximité, un magasin d'électroménager s'est écroulé, les toits du dépôt de bus se sont envolés, l'hôpital psychiatrique Gérard-Marchant a été balayé. Du sud au centre de la ville, les rues sont couvertes d'un tapis crissant d'éclats de vitres. Dans les bureaux, les logements, les magasins, les faux plafonds n'ont pas résisté, les portes ont été arrachées...
Une journée pour se souvenir
Mardi, après l'enclenchement des sirènes dans la ville à 10h17, la lecture des noms des victimes décédées, le dépôt de gerbe et la minute de silence, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc a dévoilé un parcours mémoriel composé de «neuf pupitres retraçant l'histoire de l'usine, son passé industriel de 1924 à nos jours, la catastrophe elle-même, puis l’après-catastrophe, les procès et le renouveau du site».
Ce «parcours mémoriel», à proximité d'un mémorial déjà existant, a pour objectif de «rétablir l'histoire du site» alors que «la mémoire s'efface très vite», selon Francis Grass, l'adjoint au maire en charge des politiques culturelles et mémorielles.
Des tensions entre associations de victimes et anciens salariés
«L'espace a été sensiblement réaménagé pour créer un cheminement, mettant en valeur le moirage du mémorial et restituant au site toute sa solennité», souligne la mairie de Toulouse dans un communiqué.
«Sur la base de ressources documentaires, les contenus, en trois parties, ont été élaborés sous l’égide d’un comité scientifique composé d'historiens, de sociologues et d'urbanistes», poursuit-elle, soucieuse de ne pas raviver les tensions qui opposent associations de victimes et anciens salariés d'AZF.
Car comme tous les ans, la commémoration de «la plus grave catastrophe industrielle en France depuis 1945» s'est déroulée en ordre dispersé : certaines associations de victimes et sinistrés refusant de participer à la cérémonie officielle.
Les associations de victimes, qui ont toujours tenu Grande paroisse, la société exploitante d'AZF et filiale de Total, responsable de l'explosion, en veulent aux anciens salariés d'accepter de figurer aux côtés des représentants de Total lors des commémorations.
Les seconds, eux, ont toujours eu du mal à digérer la fermeture de l'usine et n'ont jamais cru à la piste accidentelle de l'explosion.
Lors du deuxième procès d'AZF en appel, en 2017, la cour d'appel de Paris infligea 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 45.000 euros d'amende à l'ex-directeur de l'usine et 225.000 euros d'amende à la société, reconnus coupables de «fautes caractérisées» commises par «maladresse», «négligence» ou encore «manquement aux obligations de prudence».
Leurs deux pourvois en cassation ont été rejetés le 17 décembre 2019, soit dix-huit ans après la catastrophe.