Quelques jours après la fermeture des jardins d'Eole (18e) aux toxicomanes, Anne Hidalgo a rappelé ce mercredi 7 juillet au Conseil de Paris son ambition de créer un «réseau de lieux de prise en charge à taille humaine» de ces usagers de drogue en grande déshérence. Le premier d'entre eux sera ouvert «cet été» à Paris.
Les jardins d'Eole (18e) ont été rendus aux riverains, mais depuis, aucune solution alternative pour accueillir les toxicomanes n'a été adoptée. Résultat : des centaines de ces consommateurs de crack étaient restés sur place, condamnés à errer le long des grilles, sans avoir le droit de se réinstaller à l'intérieur.
Si le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a rappelé au Conseil de Paris ce mercredi qu'il avait proposé une «solution intermédiaire», en choisissant un nouveau lieu d'accueil – la place Auguste Baron (19e) – qui avait l'avantage selon lui d'être plus éloigné des lieux d'habitation, la maire de Paris Anne Hidalgo a rejeté cette proposition, balayant l'idée de «déplacer les toxicomanes d'un lieu à un autre tous les 3 mois».
«Ces scènes ouvertes de consommation et de trafic de drogue accroissent la consommation compulsive et favorisent les pratiques dangereuses», a-t-elle ainsi fait savoir, arguant que ce «ce type de solution n'était pas tolérable» et «incompatible avec la prise en charge sanitaire et sociale» qu'elle appelle de ses voeux.
Des lieux de prise en charge à taille humaine
Car l'ambition de la maire et de son exécutif est bien de créer «un réseau de lieux de prise en charge à taille humaine» pour les toxicomanes. «Seule solution humaine, durable et sérieuse» selon Anne Hidalgo, qui rappelle qu'elle souhaite que ces lieux puissent «combiner accueil de jour, places d'hébergement la nuit, prise en charge de soin, accompagnement social et inhalation supervisée».
Et l'édile parisienne est claire à ce sujet : elle est intimement persuadée que les toxicomanes «ne viendront pas s'il n'y a pas une prise en compte de leur addiction». «Nous devons construire une offre thérapeutique nouvelle», a-t-elle ajouté, appuyant sur le fait qu'aucun «produit de substitution» n'était à ce jour proposé aux consommateurs de crack, rendant encore plus compliqué le chemin pour s'en sortir.
Un premier lieu ouvert cet été
Pour cela, Anne Hidalgo s'est dit «prête» ce mercredi «à ouvrir plusieurs de ces lieux disséminés dans l'ensemble du territoire parisien mais aussi au sein du Grand Paris», parce qu'il n'y a selon elle «pas d'autres solutions». «Nous avons identifié quelques sites susceptibles d'être adaptés dans différents arrondissements», a-t-elle ajouté.
Mais si la loi française – répressive en matière de drogue – ne permet pas aujourd'hui de créer des lieux qui combinent soin et consommation de drogue, la municipalité parisienne sera donc contrainte dans un premier temps de «poser un cadre expérimental pour ces nouveaux lieux», invitant l'Etat à agir en la matière.
«Je ne peux qu'inviter le gouvernement à nous accompagner, aux côtés des maires d'arrondissement, dans le déploiement de ces salles que j'appelle de mes vœux», s'est-elle exprimée au Conseil de Paris ce mercredi, annonçant qu'un «premier lieu en charge spécialisé du crack» ouvrira «cet été à Paris».
Une annonce face à laquelle le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a immédiatement réagi. S'il est convaincu lui aussi que «la solution n'est pas uniquement policière», puisqu'elle est «également et sans doute avant tout sociale et médicale», le préfet a rappelé «l'opposition du ministre de l'Intérieur d'ouvrir des salles dans lesquelles on se drogue». «Si l'arbitrage du Premier ministre était différent, je le mettrai en œuvre», a-t-il néanmoins admis.
«l'hospitalisation peut être rendue obligatoire»
Accusant la maire d'avoir voulu «parquer les toxicomanes» dans les jardins d'Eole, Rachita Dati, la maire du 7e arrondissement et présidente du groupe des élus de droite Changer Paris, a pointé «les échecs» de la politique municipale anti-drogue. Notamment avec l'ouverture de la salle de consommation à moindres risques (SCMR) dans le 10e, qui fixe selon elle «les trafics de stupéfiants», «la traite des êtres humains», «les violences et les agressions» ainsi que «les viols».
«Cette situation dramatique est le fruit de vos décisions», a lancé l'ancienne Garde des Sceaux, témoignant de «la honte pour notre ville de laisser les toxicomanes errer dans nos rues et les immeubles environnants». Et d'ajouter : «oui, vous avez fait le choix des jardins d'Eole pour regrouper les toxicomanes contre une autre proposition, dans une zone moins dense et moins peuplée». «Votre idéologie, c'est de faire avec la drogue, plutôt que de lutter contre», a-t-elle continué, exprimant son opposition aux SMCR : «les salles de shoot ne sont pas une solution et ne le seront jamais, parce qu'elles incitent à la consommation».
La solution selon elle ? «Prendre en charge» les consommateurs de crack «médicalement en milieu hospitalier», dans l'un des «35 centres de soins et d'accompagnement parisiens qui mériteraient d'être renforcés et soutenus» et ce, alors qu'Anne Hidalgo est présidente de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Et d'asséner : «l'hospitalisation peut être rendue obligatoire».
Une solution loin de Paris ?
Autre solution avancée par Rachida Dati : celle de réquisitionner «le patrimoine immobilier» de la Ville «situé en dehors de Paris». Rappelant que la municipalité avait mis en vente une abbaye dans l'Allier ou encore un château dans l'Ariège, la maire du 7e a ainsi proposé – plutôt que les vendre – d'y installer «les locaux nécessaires à la création d'un centre en dehors de Paris», qui seraient «consacrés à cette prise en charge globale des toxicomanes les plus fragiles en les accompagnant vers le sevrage».
La «solution» selon elle «pour qu'enfin, chacun puisse être chez soi, les habitants et les familles dans leurs immeubles et dans nos jardins publics, les toxicomanes dans des structures thérapeutiques adaptées, les dealers en prison et la maire de Paris à Paris».