Un jeu sur un épisode tragique de l'histoire qui ne passe pas. Depuis quelques jours, un escape game qui se tient dans la forêt du Schnepfenried (Haut-Rhin) propose aux joueurs de se glisser dans la peau des «Malgré-nous», ces soldats alsaciens et mosellans incorporés de force dans l'armée nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Des garants de la mémoire de cette histoire plutôt méconnue sont révoltés.
Pendant une heure, les joueurs, par groupes de deux à six, doivent résoudre des énigmes afin de s'échapper d'un camp de redressement nazi et rejoindre la résistance. Ce jeu immersif, en extérieur, baptisé «Foretscape», est proposé depuis le 29 mai et jusqu'au 29 août par la compagnie théâtrale alsacienne du Reflet.
L'idée vient de Fabien Gaertner, comédien, metteur en scène et petit-fils de «Malgré-nous». Par le jeu, il souhaite faire découvrir «une bribe de cette histoire si méconnue que nos anciens ont eu à vivre» et «permettre au plus grand nombre d'entretenir ce souvenir encore trop tabou», peut-on lire sur le site internet du «Foretscape». Il s'agit également pour lui de rendre hommage à son grand-père, l'escape game se déroulant sur le terrain de son ancien chalet de vacances.
Le côté ludique critiqué
Mais cet aspect ludique, concernant un épisode dramatique de la Seconde Guerre mondiale (plus de 130.000 soldats incorporés de force, 40.000 morts au front ou en captivité selon certains historiens), est jugé déplacé par des spécialistes de cette histoire. «Associer un jeu avec l'intégration de force, c'est antinomique et scandaleux», tonne Bernard Rodenstein, fondateur et ancien président de l’Association des pupilles de la nation et orphelins de la guerre d’Alsace, interrogé par France 3 Grand Est. De son côté, Claude Herold, membre de l’association Pèlerinage Tambov, qui perpétue la mémoire des «Malgré-nous», juge que les livres sont préférables au jeu pour faire connaître cet épisode, commente-t-il dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace.
Fabien Gaertner réfute lui le terme de «jeu», préférant parler d' «expérience immersive». «A aucun moment il ne s'agit de jouer à la guerre, de tuer», explique-t-il au Figaro. «Il s'agit d'un autre canal pour faire connaître cet épisode de la Seconde Guerre mondiale», estime-t-il, jugeant qu' «il y a de la place pour les mémoriaux, les livres, les BD, mais aussi pour les expériences immersives».