Alors que les images de plusieurs nuits d'échauffourées entre riverains et toxicomanes dans le 19e ont fait le tour des réseaux sociaux, le député Mounir Mahjoubi vient d'annoncer son ambition d'ouvrir un centre d'accueil pour toxicomanes dans le 7e. Un projet qui semble difficile à mettre en place.
«Une proposition de solution nouvelle» selon les mots du député du 19e arrondissement, Mounir Mahjoubi, qui appelle «à la solidarité des élus» et les invite ainsi à prendre leur part dans la prise en charge des toxicomanes à Paris. Dans une lettre adressée à la maire du 7e arrondissement Rachida Dati, il lui propose donc «l'installation d'un Caarud (Centre temporaire d'accueil et d'accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues) sur la place des Invalides».
Face au fléau du crack, le 19ème chavire.
Ce weekend, avenue de Flandre, des tirs de mortier ont été dirigés vers des toxicomanes.
J'ai demandé au Ministre de l'Intérieur, @GDarmanin, la sanctuarisation de l'arrondissement et le répit pour ses habitants. pic.twitter.com/FZHZi3CMyu— Mounir Mahjoubi (@mounir) May 4, 2021
Ce centre serait, selon lui, «spécifiquement pensé et dimensionné pour la prise en charge des personnes addictes au crack» et se trouverait ainsi dans un lieu qui «dispose de nombreux avantages pour l'installation d'un Caarud [...] sur l'une des places avec le moins de familles et de commerces aux alentours [...] et bien desservie en transports». Mais un tel projet est-il seulement envisageable ?
«Pas réaliste et pas à la hauteur»
Ce projet «n'est pas réaliste et pas à la hauteur» estime Fatoumata Koné, la présidente du groupe écologiste à la mairie de Paris, qui souligne qu'«un Caarud est un dispositif qui vise à accompagner les toxicomanes et qui ne peut pas être installé n'importe où». «Comment va-t-on les acheminer ? On leur donne un ticket de métro ? On organise des navettes ? J'aimerais bien que cela soit une solution, mais dans un quartier qui n'est pas concerné, le Caarud restera vide».
«S'il connaît le sujet, il devrait très bien savoir que sa proposition n'est pas réaliste», soutient Fatoumata Koné. Et d'ajouter : «Mounir Mahjoubi est un député LREM, or c'est le préfet [de Paris et d'Ile-de-France, ndlr] donc le gouvernement qui peuvent donner des autorisations. Et aujourd'hui, c'est le ministre de l'Intérieur qui refuse l'ouverture de nouvelles salles de consommation [...] c'est un vrai point de blocage. Tant qu'on n'aura pas le "go" du gouvernement, on sera coincés».
Pourtant, la présidente du groupe des élus écologistes parisiens estime «que les salles de consommation à moindre risque sont une étape nécessaire» pour un meilleur accueil et suivi des toxicomanes. Mais pour elle, il faudrait «de vraies réponses», avec une «volonté d'agir» et non pas celle «de faire de la communication». «Il y a-t-il des toxicomanes dans le 7e ? Non ! Donc il faut des dispositifs dans les quartiers où les toxicomanes consomment».
Les salles de shoot «fixent les consommateurs»
Du côté de la droite parisienne, l'avis est également très tranché. «Mounir Mahjoubi essaie de déporter un problème du 19e arrondissement dans un autre arrondissement de Paris», fait ainsi savoir l'élu parisien et membre du groupe Changer Paris, François-Marie Didier. Pour lui, cette proposition est «de l'enfumage». «Il ne peut pas assayer d'exister sur des tragédies humaines et devrait plutôt oeuvrer dans son arrondissement», ajoute-t-il.
Et selon l'élu, les salles de consommation ne sont pas la solution. «Aujourd'hui, on sait que les salles de shoot sont les plaques tournantes de tous les trafics, y compris de la prostitution. Elles fixent les consommateurs et les dealers. Ce qu'il propose dans le 7e, c'est tout simplement aberrant», estime ce proche de Rachida Dati.
La solution selon cet élu du 20e qui pense que «l'est parisien est délaissé depuis de trop nombreuses années» ? «Une réponse sécuritaire et thérapeutique dans ces quartiers qui concentrent tous les problèmes». Selon lui, il n'y a «pas de volonté politique» et «aucune action mise en oeuvre» ni de la part du gouvernement, ni de la part de la mairie de Paris. «C'est désespérant pour les riverains», conclut-il.