Nordahl Lelandais comparaît pour la première fois ce lundi devant les assises de Savoie pour le meurtre du jeune militaire Arthur Noyer en 2017. Un procès très attendu avec en fond l'affaire Maëlys.
Depuis plus de trois ans et demi, l'ancien maître-chien savoyard âgé de 38 ans est associé à la disparition de cette fillette de 8 ans à l'été 2017, qui avait largement ému la France.
Mais si l'ombre de Maëlys planera sur ce premier procès, c'est bien la mort du caporal Noyer, lors d'une nuit de pleine lune en avril 2017, qui sera examinée jusqu'autour du 12 mai à Chambéry sous les yeux d'un public restreint et de nombreux journalistes accrédités. Le procès Maëlys, lui, aura probablement lieu en 2022 à Grenoble.
A Chambéry, le procès se déroulera au sein d'un petit palais de justice qui n'a jamais abrité une audience de telle ampleur et autour de laquelle un important dispositif policier est prévu. L'apparition en public du suspect, dont on ne connaît que quelques photographies privées, cristallisera l'attention.
Au terme des débats, le jury devra répondre à plusieurs questions, dont une principale: celle de la qualification pénale des circonstances de la mort d'Arthur Noyer.
La Préméditation écartée du dossier par les enquêteurs
Nordahl Lelandais a-t-il donné des coups violents sans avoir voulu tuer, comme il l'a reconnu ? L'a-t-il battu à mort en connaissance de cause ? Ce qui caractériserait un homicide volontaire, chef pour lequel il est jugé, passible de 30 ans de réclusion criminelle.
La préméditation, qui ferait de Nordahl Lelandais un assassin -mot toujours utilisé par la famille Noyer- avait été retenue lors de sa mise en examen. Mais elle a ensuite été exclue par les juges d'instruction, qui n'ont vu aucune pièce du dossier qui pourrait accréditer cette qualification.
La seconde question est celle d'un éventuel mobile.
Le soir du mardi 11 avril 2017, le caporal Arthur Noyer, 23 ans, participe à une fête arrosée au Carré Curial, épicentre des nuits chambériennes, avec des camarades du 13e Bataillon de chasseurs alpins.
Dans le même temps, Nordahl Lelandais circule à proximité avec son Audi grise, celle qui permettra aux enquêteurs de faire le lien avec l'affaire Maëlys. Pour les juges d'instruction, Nordahl Lelandais était ce soir-là en recherche de relation sexuelle, une partenaire occasionnelle l'ayant préalablement éconduit.
Les magistrats souhaitent un procès digne
Se qualifiant lui-même d'impulsif et intolérant à la frustration, l'accusé raconte qu'il aurait pris en stop le caporal, alors ivre. Au moment de le déposer sur un parking dans l'agglomération de Chambéry, une bagarre aurait éclaté avec le militaire, qui aurait, selon l'accusé, porté au moins le premier coup.
Le motif de la bagarre a-t-il trait à une sollicitation sexuelle ? Le témoignage changeant d'un codétenu va dans ce sens, vivement contesté par la défense et démenti par Nordahl Lelandais.
Quatre ans après les faits, les parents d'Arthur Noyer se disent «prêts» à cette «épreuve supplémentaire». «On attend que justice soit faite», ont-ils déclaré vendredi devant la presse. Le même jour, leur conseil, Bernard Boulloud, a réclamé «sérénité et apaisement» pour le procès.
Face aux attentes, aux fantasmes et aux questions lancinantes, les magistrats de Chambéry le répètent : Nordahl Lelandais doit pouvoir bénéficier d'un procès digne, loin des soupçons de meurtres en série dont il fait régulièrement l'objet.
Cette théorie, soulevée par le procureur lors de sa mise en examen en décembre 2017 dans l'affaire Noyer, a été reprise par la gendarmerie, qui lance en 2018 la cellule Ariane. Celle-ci épluchera quelque 900 dossiers de disparus, ensuite réduits à une quarantaine, pour tenter de découvrir de possibles liens avec l'ancien maître-chien militaire. Mais sans succès pour l'heure. Elle est dissoute en octobre 2020, quand une «division cold case» voit le jour.