A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’obésité, ce jeudi 4 mars, CNEWS s’est entretenu avec le Dr Jean-Michel Cohen, médecin nutritionniste, pour rappeler les causes et les conséquences de cette maladie chronique évolutive, porteuse de préjugés tenaces, qui touche plus de 800 millions de personnes dans le monde, dont 8 millions de Français.
Qu’est-ce que l’obésité ? Et quelles sont les différentes formes d’obésité ?
L’obésité est une augmentation du tissu adipeux qui se quantifie soit via l’indice de masse corporelle (IMC), soit en faisant le rapport entre le tour de taille et le tour de hanches.
On distingue plusieurs types d’obésité : l’obésité est dite «légère» quand l'IMC se situe entre 25 kg/m² et 30 kg/m² chez les hommes et entre 28 kg/m² et 33 kg/m² chez les femmes, et elle est «sévère» quand l'indice est compris entre 35 kg/m² et 40 kg/m² chez les hommes, et entre 33 kg/m² et 38 kg/m² chez les femmes.
Enfin, lorsque l’IMC franchit la barre des 38 kg/m², on parle d’obésité morbide.
Quelles sont les causes de cette maladie ?
Elles sont multiples. La première est la prédisposition génétique à la prise de poids, puis il y a la surconsommation alimentaire, liée à l’éducation alimentaire, la façon dont on a appris à se nourrir, et celle liée à l’utilisation de produits industriels qui ne sont pas en rapport avec le comportement alimentaire que les personnes ont acquis au préalable.
La prise de certains médicaments peut également favoriser son développement.
D'autre part, il y a des causes psychologiques. Certaines personnes utilisent les aliments pour compenser des déplaisirs et surmonter les instants négatifs de la vie, tandis que d’autres vont chercher à remplir un vide ou à mettre une distance avec l’extérieur par l’intermédiaire d’une couche de graisse.
Comment soigne-t-on l’obésité ?
L'obésité se soigne en fonction du profil du patient. S’il s’agit d’une obésité constitutionnelle, c’est-à-dire génétique ou comportementale, il faut modifier les habitudes alimentaires, c’est ce que l’on appelle le rééquilibrage alimentaire, en évitant les frustrations.
S’il s’agit d’une obésité occasionnelle, suscitée par un évènement, une prise de médicaments ou une maladie, on peut dans ce cas-là mettre en place un régime modéré permettant d’obtenir une perte de poids maximum de l’ordre de 15% du poids total par an.
Au fur et à mesure de l’amaigrissement, il faudra adapter et modifier le régime. On va utiliser plusieurs types de diètes pour accélérer, ralentir, ou stabiliser la perte de poids. Quand on souffre d’une obésité constitutionnelle, on doit suivre un contrôle diététique jusqu’à la fin de ses jours.
Existe-t-il des traitements médicamenteux ?
Il n’y a aucun traitement médicamenteux. C’est l'un des grands échecs de la médecine. Il y a des espoirs de traitements mais cela fait des années qu’on en parle. Et les coupe-faim n’existent plus. Tout ce qui est proposé à l’heure actuelle ce sont des leurres, des placebos sans actions réelles.
Aujourd'hui, le seul traitement est chirurgical, mais il est très codifié. On opère seulement les personnes souffrant d’obésité sévère ou morbide, et chez qui les traitements diététiques ne fonctionnent pas. Après une sleeve gastrique ou un by‑pass gastrique, on observe des pertes de poids allant de 30 à 50 kilos, mais dans les années qui suivent, les patients reprennent entre 15 à 25 kilos.
C’est une solution de protection, mais à moyen terme seulement. Sans compter qu’il y a un risque opératoire et que le by‑pass gastrique condamne le patient à prendre des médicaments toute sa vie.
Les hommes et femmes sont-ils égaux face à ce fléau ?
Non, les femmes sont plus touchées que les hommes. Il y a une inégalité complète devant la prise poids et la perte de poids, et ce, pour des raisons hormonales. Chez la femme, on doit géralement proposer des régimes relativement restrictifs, alors que chez l'homme, on obtient des résultats tout à fait étonnants avec un régime moins contraignant.
De plus, ces derniers ont plus de masse musculaire et brûlent donc naturellement davantage de calories. Toujours en raison des hormones, les femmes ont généralement un excès de graisse sur le bas du corps (obésité gynoïde), tandis que chez les hommes, il est principalement localisé sur le haut du corps, au niveau du ventre notamment (obésité androïde).
L’obésité présente un facteur de risque pour certaines maladies cardio-vasculaires, respiratoires, le diabète, l’arthrose, ou encore les cancers. Mais les conséquences sont aussi psychologiques et sociales...
L’obésité est considérée à tort comme une maladie honteuse. Les personnes qui en souffrent sont considérées comme différentes, c’est pourquoi elles sont stigmatisées. Malgré toutes les campagnes anti-discriminations, les obèses ont une image négative sur le plan sociétal.
Et sur le plan personnel, elles vivent en retrait des autres et doivent très souvent adapter leur comportement. Une personne obèse fait l’effort d’être gentille, d’être aimée, de plaisanter…et se cache. Après un amaigrissement, on remarque que les patients ont tendance à changer complètement de personnalité.
L'obésité infantile touche près de 124 millions d'enfants dans le monde. En quoi le rôle des parents est-il capital ?
Leur mission est d’éduquer les enfants sur le plan alimentaire en leur apprenant dès leur plus jeune âge à limiter la consommation de produits gras et sucrés. Mais avant la puberté, il est totalement inutile d’imposer un régime à son enfant.
S'il grossit, il faut identifier les causes, en s’intéressant notamment à son environnement scolaire. Il n’est pas rare qu’un jeune harcelé à l’école se réfugie dans la nourriture.
Les mesures de restrictions liées à la pandémie de Covid-19 risquent-elles d'aggraver l'épidémie d'obésité ?
Oui, bien sûr. Les gens sont anxieux, et cherchent à se consoler à travers la nourriture. Ils sont aussi davantage sédentaires en raison du télétravail, de la fermeture des salles de sport, et du couvre-feu. Dans quelques mois, on observera certainement une hausse de l’obésité et du surpoids.
Pour quelles raisons la lutte contre l’obésité est une cause qui vous tient à cœur ?
Ma mère était obèse et m’a fait trop manger. J’étais donc en surpoids à l’adolescence. Puis mon professeur de nutrition m’a particulièrement sensibilisé à cette cause. Mon histoire familiale et cette rencontre ont ainsi transformé mon métier en passion.
«La méthode Cohen», Jean-Michel Cohen, éd. First.