Désormais officiellement candidate aux élections régionales en Ile-de-France, Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris, avance comme l'une de ses principales propositions la gratuité totale des transports en commun. Une idée sans cesse remise sur le tapis depuis quelques années, malgré les doutes passés de l'entourage... d'Anne Hidalgo.
En mars 2018, embourbée dans le mauvais déploiement du Vélib' 2 et sous la pression de ses alliés communistes qui y sont favorables, Anne Hidalgo dégaine une mesure qui va faire couler beaucoup d'encre : « La question de la gratuité des transports est une des clefs de la mobilité urbaine dans laquelle la place de la voiture polluante n'est plus centrale», lance-t-elle dans les Echos.
Pour «objectiver le débat» et le «dépassionner», la maire demande peu après une étude sur le sujet à son équipe. Aux côtés de son adjoint aux transports, l'écologiste Christophe Najdvoski, ce sont deux autres adjoints et membres de sa garde rapprochée qui s'y attèlent : son bras droit Emmanuel Grégoire et l'un de ses principaux conseillers, Jean-Louis Missika. Le rapport, rendu au début du mois de janvier 2019, est limpides : la gratuité pour tous dans toute la région est une mauvaise idée.
«la gratuité totale n'est pas une solution efficace»
«En Ile-de-France, la mise en place de la gratuité totale des transports pour les usagers viserait principalement à réduire drastiquement les nuisances liées à la circulation des automobiles. Or, il apparaît que non seulement l'impact d’une telle mesure sur le trafic automobile serait très faible mais qu'elle risquerait également d'engendrer un report important des modes actifs [marche et vélo] vers les transports en commun. De plus, l'impact économique de son financement, difficile à assurer, ne peut être occulté. Aussi, force est de constater que cette politique ne permettrait pas de répondre aux enjeux prégnants de la mobilité francilienne», tranche le rapport.
Et puis encore, en conclusion : «Si l'objectif est de réduire la place de la voiture individuelle, les modélisations et retours d'expérience montrent que la gratuité totale n'est pas une solution efficace».
Le 9 janvier 2019, Anne Hidalgo semble clore le sujet. Dans une interview à Libération, elle concède : «la gratuité ne peut pas être à elle seule l'alpha et l'oméga d’une politique de transports ou de mobilité». Suivant les préconisations de ses adjoints, la maire opte plutôt pour des interventions ciblées, comme la gratuité uniquement pour certains publics, dont les mineurs. Elle défend aussi un coup de pouce financier pour les voyageurs aux petits salaires, proposant «à l'Etat et à la région de s'engager à nos côtés, en modulant le remboursement du pass Navigo des salariés en fonction de leurs revenus».
On pensait alors le sujet de la gratuité totale définitivement clos. Mais voilà, le 4 octobre 2020, après la campagne des municipales, rebelotte. Anne Hidalgo estime qu'il «faut aller vers des transports en commun gratuits pour tout le monde d'ici à 2026», sur RTL.
Une semaine après, la mesure est reprise par Audrey Pulvar, quand cette dernière annonce dans le JDD sa volonté d'être candidate aux élections régionales en Ile-de-France. La toute fraîche adjointe à l'agriculture à la maire de Paris parle alors d'une «mesure phare» pour lutter contre les inégalités et la pollution. Selon elle, il faut «mettre en œuvre la gratuité totale – pour tous – des transports en commun sur l'ensemble du réseau».
La candidate «Ile-de-France en Commun», notamment soutenue par le Parti socialiste, détaille le 26 janvier dans Le Parisien le calendrier qu'elle envisage pour mettre en place la mesure par phases : dès septembre pour les moins de 18 ans, les étudiants et les demandeurs d’emploi de moins de 25 ans. Elle serait ensuite élargie aux bénéficiaires des minima sociaux et aux personnes en situation de handicap, avant de bénéficier à l'ensemble des Franciliens à l'horizon 2026.
L'épineuse question du financement
Concernant le financement, Audrey Pulvar estime le coût de la gratuité totale «entre 2,2 milliards et 3,5 milliards d'euros supplémentaires». Pour les trouver, elle défend aujourd'hui des «taxes» pour lesquelles «il faudra lever des obstacles institutionnels par le dialogue avec le gouvernement». En décembre dernier, elle avait évoqué plusieurs pistes : «redevance sur les touristes», «taxe sur les transports de marchandises les plus polluants», «sur l'e-commerce» ou «sur les grandes fortunes immobilières de la région Ile-de-France».
Contacté, l'entourage d'Audrey Pulvar répond simplement qu'il s'agissait «d'un rapport de la ville de Paris, qui n'a pas les compétence sur les transports régionaux». Deux autres études, réalisés en 2018 par Ile-de-France Mobilités (à la demande de la présidente de région de droite Valérie Pécresse) et en 2019 par le Sénat, concluent également à des effets mitigés.