Alors que la polémique sur la lenteur de la campagne de vaccination peine à retomber, sur fond de rentrée scolaire, de retour des fêtes, et de menace d'un variant plus contagieux qui font craindre un rebond de l'épidémie, la demande de mise en place de centres vaccinaux se fait de plus en plus insistante en France.
Dans les faits, le gouvernement a pourtant déjà promis d'accélérer la cadence en ouvrant notamment, depuis ce lundi, la vaccination aux professionnels de santé de plus de 50 ans.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a également promis d'installer avant «début février» de premiers centres «en ville», pour les personnes âgées non résidentes en Ehpad.
Mais au regard de ce qui se fait à l'étranger, en Allemagne ou en Israël, notamment, deux pays qui ont mis en place des «vaccinodromes», soit des méga-centres spécialement dédiés à la vaccination contre le coronavirus, une partie de la population se demande pourquoi cela n'a toujours pas été fait en France.
«Je considère qu'aujourd'hui on est face à un scandale d'Etat», a ainsi fustigé, ce lundi, le président de la région Grand Est, Jean Rottner (LR), sur France 2, en pointant «une forme d'impréparation, d'irresponsabilité» du gouvernement.
Une demande pertinente pour les médecins
Surtout, pour beaucoup de médecins, la mise en place de centres de vaccination est d'autant plus pertinente, qu'elle permettrait de respecter les propres conditions de conservation des sérums.
Sollicitée par CNEWS, Pascale Cossart, microbiologiste et secrétaire perpétuelle de l'Académie des Sciences, rappelle ainsi que le vaccin actuellement disponible, celui de Pfizer et de BioNTech, est un vaccin à ARN qui doit être conservé entre - 70 °C et - 80 °C.
«Dans la mesure où on a un vaccin fragile, si on a un endroit où on centralise les doses et que l’on fait venir les gens qui souhaitent se faire vacciner, cela permettrait donc d’accélérer toute la procédure», explique la spécialiste.
Pour autant, pas question, insiste-t-elle, d'y faire venir les publics les plus fragiles, comme les pensionnaires des Ehpad.
«Pour eux, il est bien sûr hors de question de les faire venir dans des centres dont la mise en place est en train d’être discutée. En revanche, pour d'autres types de populations, des centres pourraient grandement faciliter la vaccination», nuance Pascale Cossart.
Reste que pour la secrétaire perpétuelle de l'Académie des Sciences, la question n'est pas tant de savoir s'il faut créer des vaccinodromes ou des centres de vaccination de taille plus modeste, parce que, dit-elle «l’essentiel est surtout d’avoir un endroit où l’on peut stocker les vaccins de façon optimale et d’assurer le suivi des personnes vaccinées».
«L’idéal serait d’avoir des lieux connus de tous, accessibles facilement, et si possible ouverts sur des plages horaires étendues», tient-elle néanmoins à ajouter.
Le traumatisme de 2009 à évacuer
Ainsi, l’idée de recourir à des centres de vaccination ou des vaccinodromes, fait son chemin.
L'option semble même aujourd'hui plus que jamais sur la table au lendemain d'une «réunion de suivi» sur la vaccination présidée par le chef de l'Etat, et à la veille d'un nouveau conseil de défense sanitaire et d'un premier conseil des ministres de rentrée à haut risque pour l'exécutif.
Mais pour Pascale Cossart, «il est regrettable que cette option n’ait pas été retenue d’emblée».
En France, de telles installations avaient pourtant déjà vu le jour, au moment de la grippe H1N1 en 2009. Mais l’opération s'était révélée être un fiasco, les centres restant à l'époque désespérément vides.
Et d'après la secrétaire perpétuelle de l'Académie des Sciences, c'est justement dans ce traumatisme de 2009 que se trouve le coeur du problème.
«Pour moi, c’est effectivement cette expérience passée qui explique pourquoi aujourd’hui des centres n’ont toujours pas été créés. Il faut toutefois comprendre que nous sommes aujourd’hui dans une situation totalement différente. Nous sommes dans une pandémie mondiale qui fait des morts tous les jours. Une partie de la population s’étonne de cette lenteur», déplore-t-elle.
A ces centres de vaccination, la spécialiste suggère par ailleurs également de mobiliser les pharmaciens dont beaucoup ont déjà l’habitude de vacciner, notamment lors des campagnes de grippe saisonnière. Les médecins généralistes se disent eux aussi disposés à administrer le vaccin en consultation, ce qui n’était pas le cas en 2009.
«On peut aussi s’inspirer d’autres méthodes venant de l’étranger comme ces drives-in mis sur pied en Israël», ajoute-t-elle.
Subsistent néanmoins d'autres contraintes qui pourraient handicaper, du moins dans un premier temps, cet éventuel projet de centres vaccinaux dédiés, à commencer par le nombre de doses disponibles.
A ce stade, «500.000 doses de vaccins ont été livrés entre Noël et le Nouvel an, 580 000 seront livrées d'ici à mercredi», a affirmé, ce lundi, le ministre de la Santé, Olivier Véran, depuis l’Hôtel-Dieu, à Paris.
Or, pour la Haute autorité de Santé, «compte tenu du nombre de doses qui est limité actuellement, on ne peut pas le distribuer comme ça aux gens qui en ont envie, alors qu'ils n'ont pas de risques», a insisté auparavant Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations de l'instance.
Mais «la mise en oeuvre de la stratégie doit probablement s'accélérer», a-t-elle, elle aussi, résumé.