«C’est dur d’avoir 20 ans en 2020». Le 14 octobre dernier, lors de son allocution télévisée pour annoncer la mise en place d’un couvre-feu, Emmanuel Macron a eu une pensée particulière pour les jeunes français dont la vie sociale, professionnelle ou étudiante a été perturbée par la crise sanitaire.
Le président français a souligné le malaise ressenti par cette frange de la population qui, «honnêtement, vit un sacrifice terrible : des examens annulés, de l'angoisse pour les formations, pour trouver le premier job».
CNEWS a donc donné la parole aux concernés sur le thème : avoir 20 ans en 2020. Ils ont partagé leurs préoccupations, leurs doutes mais aussi leurs espoirs concernant l’avenir.
Aujourd'hui, Eloi, étudiant à l’École Normale Supérieure, raconte comment l’écriture lui a permis de pallier le manque d’interactions sociales, et les confinements, d'entamer des réflexions profondes sur nos modes de vie.
Son année 2020
«L’un des grands avantages d’avoir eu 20 ans en 2020, c’est de ne pas s’être levé tous les matins en se demandant si on allait voir 2021 un jour», relativise l’étudiant en économie. «Pendant le premier confinement, il y avait une petite excitation, on sentait qu’on vivait quelque chose d’historique. Il y avait quelque chose de collectif, de nouveau.» Passée la frénésie des premières semaines d’enfermement, l’année a tout de même été difficile à vivre.
Actuellement en année césure dans la prestigieuse école de commerce HEC, Eloi a pu suivre les courses à distance, et n’a pas rencontré de difficulté particulière – matériel, connexion internet, outils numériques, tout a été géré de manière efficace par ses écoles. Pourtant, le deuxième confinement a été bien plus difficile à affronter pour le jeune normalien : «C’était particulièrement dur, parce qu’on a compris que ça allait durer beaucoup plus longtemps que ce que l’on avait imaginé au départ. Le fait que la crise se prolonge et qu’on ait du mal à en voir la fin est particulièrement difficile pour le moral.»
Manque d'interactions sociales
Bien qu’il ait vécu les différents confinements avec ses parents, le manque de relations sociales s’est fait cruellement ressentir. «Quand mon école a rouvert en octobre, et que j’ai retrouvé mes camarades de classe, cela m'a fait énormément plaisir. Il y avait une véritable joie. On a compris qu’être une classe, ce n’est pas seulement être un ensemble d’individus qui suivent des cours, c’est aussi être des individus qui vivent ensemble une partie de la journée. J’ai trouvé ça extrêmement touchant», raconte-t-il, ému.
C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le deuxième confinement a été particulièrement compliqué pour les étudiants : les Français ont pu continuer d’aller travailler, de sortir, mais les étudiants ont été contraints de rester chez eux et de suivre les cours à distance.
«Ça me manque de ne pas pouvoir sortir, de ne plus voir de gens, librement, et sans culpabiliser», admet-il. La culpabilité. Un sentiment qui, selon Eloi, a été partagé par une partie de la jeunesse, souvent pointée du doigt pour non-respect des consignes sanitaires. «Ce qui a aussi marqué l’année 2020, c’est non seulement le fait qu’on s’est moins vu, mais aussi que lorsque l’on s’est vu, personne n’avait vraiment la conscience tranquille», analyse-t-il.
L'écriture contre la solitude
Les outils numériques ont sans conteste permis à toutes les générations de maintenir des liens et des contacts sociaux. Visioconférences, apéros en Zoom… Des nouveaux modes de communication ont fleuri pendant les confinements. Eloi, qui utilise lui aussi ces outils numériques, préfère pourtant la traditionnelle lettre manuscrite. Les confinements lui ont permis de renouer avec l’écriture, qu’il avait quelque peu délaissée ces dernières années. «J’ai dû écrire entre 100 et 200 lettres cette année, j’avais le temps. C’est un mode d’expression que j’adore, que je fais depuis très longtemps, mais que je n’avais jamais fait dans ces proportions-là, explique-t-il. Il y a dans la correspondance écrite quelque chose de plus posé, de plus riche, de plus intime que dans les conversations du quotidien ou les échanges numériques.»
«L’écriture est très importante pour moi. Je ne suis pas manuel, la seule chose que je sais faire avec mes mains, c’est tenir un stylo. Je ne suis pas très grand, j’ai la force physique proche de celle d’un yaourt, avoue-t-il en riant. L’écriture a donc toujours été mon arme, mon moyen d’expression privilégié. C’est aussi pour cela que je me suis tournée vers elle quand les relations sociales se sont arrêtées.»
Le monde Post-Covid
Avec ses études en économie à l’École Normale Supérieure, Eloi, qui souhaite travailler dans la fonction publique, sera amené à réfléchir à l’après Covid, et aux moyens d'atténuer les conséquences économiques de la crise. Il n’est cependant pas très optimiste quant à la capacité de l’humanité d’envisager cette crise comme un moment de rupture, permettant de réfléchir à nos modes de vie, plutôt que comme une simple parenthèse. «J’espère que cette crise permettra d’envisager des moyens d’utilisation de notre planète plus modérés, d’envisager une véritable relance environnementale. Mais j’ai l’impression qu’une fois sortis de la crise, il y aura surtout une grande volonté de "retour à la normale"», déplore-t-il.
Le normalien questionne aussi le rôle de l’État dans cette relance post-Covid. «On a été capable de prendre un certain nombre de mesures de façon très rapide et contrainte pour faire face à un danger immédiat, celui de l'épidémie, souligne l’étudiant. Je me demande pourquoi on ne pourrait pas, dans une certaine mesure, appliquer ce même schéma pour un danger plus lointain, celui de la crise climatique.»
À quoi ressemblera la vie post-Covid ? Si les vaccins commencent à émerger, il n’est pas garanti que cette pandémie mondiale ne prenne fin dans les prochaines semaines. «La grande leçon de l’année, c’est de ne plus considérer ce que l’on a pour acquis. On ne réalise pas forcément que tout pourrait être différent, affirme Eloi. Le passage d’une existence choisie à une existence contrainte permet de comprendre que la manière dont on vit habituellement n’est pas vouée à être perpétuelle. Cela nous invite à vivre aussi un peu plus intensément.»