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La semaine de Philippe Labro : une vie sauvée des eaux, un adieu sans vagues

Le geste héroïque de Jean Le Cam, qui a secouru Kevin Escoffier, illustre les valeurs du Vendée Globe. [Abaca / Icon Sport]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 9 DÉCEMBRE

Serons-nous déconfinés ou pas ? Quand serons-nous vaccinés ? Et d’ailleurs, à quels vaccins faudra-t-il faire confiance ? Comment vont pouvoir survivre celles et ceux – théâtre, cinéma, musique – qui nous apportent le cadeau nécessaire, essentiel, de la culture ? Comment pouvons-nous cesser de parler de l’épidémie de Covid-19 et nous intéresser à tout ce que l’actualité nous propose, tout ce qui fait tourner le monde ? Autant de questions que le chroniqueur, n’ayant pas de réponse satisfaisante, préfère éluder pour souligner et retenir une semaine de gestes. Trois gestes.

Il y a eu, d’abord, le geste héroïque du navigateur Jean Le Cam, 61 ans, qui, au cours d’un Vendée Globe particulièrement accidenté, a sauvé son camarade Kevin Escoffier, démontrant ainsi ce que le grand Eric Tabarly avait un jour écrit : «La mer n’est pas faite pour les imposteurs.» Il est là, Escoffier, au milieu de l’océan, agitant sa petite torche qui envoie une lumière, et il voit surgir Le Cam, et il sait que ça va bien se passer. Ce sera dur, mais on y arrivera. Tous les gestes, les détails, le récit, nous ont passionnés, exaltés, nous ont permis de sortir de la fadeur morose du confinement et des restrictions. Là-bas, en mer, dans cet univers où «on sait ou on ne sait pas», il n’y avait qu’un geste, celui de la fraternité et de la solidarité.

Hier soir, mardi 8, à Paris, on a assisté à un autre geste de solidarité, lors de la rencontre de Ligue des champions entre le PSG et le Basaksehir, un club turc. La remarque raciste d’un arbitre roumain à l’encontre de Pierre Achille Webo (un «négro», un «Noir») a provoqué un formidable, salutaire, exemplaire, et surtout sans précédent geste collectif des vingt-deux joueurs des deux camps pour, au fond, dire : «Ça va, ça suffit !» Quand on suivait, en direct, les attitudes et les comportements de ces jeunes gens, faisant soudain preuve de maturité, de réflexion, et de juste choix, on pouvait mesurer qu’ils avaient un grand temps d’avance sur les officiels embarrassés et incapables de faire face, sur une UEFA silencieuse pendant trop longtemps. Ensemble, ils ont quitté le stade – déjà vide (au passage, quel ennui, ces stades vides ! Quelle perte de chaleur et de vie !) –, et on les reverra ce mercredi soir à 18h55. Leur geste, comme celui du navigateur du Vendée Globe, veut dire, entre autres choses : quand il y a crise, il faut trancher, il faut décider, il n’y a qu’un seul choix, celui de l’action et de la vérité. Il n’y a pas de «en même temps». Il y a le temps.

J’ai été (comme certains autres, peut-être) touché, par un troisième geste, celui, posthume, de Valéry Giscard d’Estaing. Cet homme pudique et retenu, dont on avait si souvent caricaturé l’attitude hautaine et quasi monarchique, a choisi des obsèques strictement intimes dans la petite église d’Authon, dans le Loir-et-Cher. Ni pompe, ni solennité, ni «grandeurs d’établissement», comme cela avait été le cas pour ses prédécesseurs, tous passés par la majesté de Notre-Dame, les rangs des chefs d’Etat, les orgues et les oraisons. Rien de tout cela. Ce président de la République, souvent incompris de son vivant, et dont le passage vers l’au-delà permet de rappeler qu’il a, tout simplement, «changé la vie de la société», comme l’a écrit mon confrère Nicolas Beytout dans L’Opinion, n’avait rien voulu respecter d’autre que cette vérité selon laquelle le plus puissant des hommes n’est, finalement, que poussière. Certes, ce choix et ce geste n’ont rien à voir avec les deux autres – courage et action – dont je viens de parler, mais il y a peut-être un point commun qui lie ces trois moments : au centre de tout, il y a la femme et l’homme, il y a les humains. Aucune intelligence artificielle, aucun robot, ne remplacera cette belle certitude, cette valeur universelle.

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