Des députés doivent proposer un projet de loi ce jeudi pour interdire les nitrites dans les jambons et certaines charcuteries. Qu’est-il reproché à cet additif et comment les industriels accueillent-ils la nouvelle ?
Que sont les nitrites ?
Les nitrites, auxquels on associe également les nitrates de potassium et de sodium, sont des additifs que l’on trouve dans la charcuterie industrielle. Ils sont visibles sur les étiquettes sous les codes allant de E249 à E252. Les sels nitrités ajoutés aux jambons et à la charcuterie ont «généralement pour fonction d’être des conservateurs et d’assurer la sécurité microbiologique des produits alimentaires», indique la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).
Les anti nitrites affirment que l’additif est surtout utilisé dans le but de faire rosir le jambon, pour lui donner un aspect plus attirant.
Un produit cancérogène ?
Les nitrites sont accusés de favoriser les cancers du colon et de l’estomac. Les parlementaires portant le projet de loi indiquent avoir réalisé une enquête ne faisant aucun doute là-dessus. «Tout le monde reconnait que ces produits tuent», affirme ainsi le député Richard Ramos (Modem), au Parisien.
La société Yuka, ainsi que l’ONG Foodwatch et la Ligue nationale contre le cancer, ont de leur côté lancé une pétition réclamant l’interdiction de ces additifs. «En France, on considère que chaque année, entre 1.200 et 3.400 décès par cancers colorectaux sont imputables aux charcuteries nitritées», dénonce ainsi Axel Kahn, président de la Ligue nationale contre le cancer. «Le bilan va jusqu'à 4.000 si l'on ajoute les cancers gastriques»
Un rapport de l’Agence de sécurité sanitaire (Anses), évaluant l’impact des nitrites ajoutés, doit être publié au printemps 2021 pour pointer précisément si des risques sont avérés.
Que souhaitent les députés ?
Dans leur proposition de loi, les députés souhaitent abolir progressivement l’utilisation des nitrites. Dès 2023 concernant les jambons crus, car leur salinité permet d’éviter le risque de botulisme (voir plus bas), et en 2025 pour le jambon blanc, rillettes, terrines ou andouillettes.
Ils souhaitent également que d’ici là, des étiquettes, à l’image de celles sur les paquets de cigarettes, avertissent de la présence de nitrites dans un produit.
Les industriels se défendent…
Regroupés dans la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteurs (Fict), les industriels expliquent que les additifs nitrités sont nécessaires pour éliminer la bactérie causant le botulisme. Cette affection neurologique se traduit notamment par des troubles de la vision, un défaut de déglutition et d’élocution, et peut aller jusqu’à la paralysie de membres et muscles respiratoires (causant parfois la mort).
La Fict a envoyé une lettre d’assignation à Yuka, Foodwatch et la Ligue contre le cancer pour «allégations trompeuses», en demandant le retrait de la pétition.
Dans un communiqué, la Fict reprend également un rapport de novembre 2020 signé par l’Académie de l’agriculture de France concluant que «le risque soupçonné d’augmentation du cancer colorectal lié à l’utilisation des nitrites comme additifs dans les charcuteries aux doses autorisées par la réglementation (150mg/kg, ndlr) n’est pas scientifiquement établi par les études toxicologiques et épidémiologiques disponibles à ce jour».
... Mais commencent à proposer des produits sans nitrites
Plusieurs grands groupes industriels très présents dans les rayons de supermarché ont néanmoins commencé à réagir. Super U propose ainsi des charcuteries «zéro nitrite», rejoint par certains produits de la gamme Fleury Michon, qui ajoute du sel fin à la place. D’autres, comme Herta, Madrange ou Intermarché, sont «sans nitrite ajouté», un procédé moins contraignant qui remplace les additifs par de l’arôme naturel ou du bouillon de porc.
Ils préviennent néanmoins que ces produits peuvent alors «gêner» les consommateurs de plusieurs façons : la couleur grise du jambon, plutôt que le rose auxquels ils ont été habitués, la durée de conservation deux fois moins longue (environ 15 jours contre 30) et le coût plus important du produit, dû à celui plus élevé de sa production.