Abaissement de la vitesse, transformation des places de stationnement, futur plan local d'urbanisme, piétonnisation des rues, déploiement de la 5G... Depuis sa réélection, Anne Hidalgo multiplie les consultations des Parisiens. Bien qu'à double tranchant, cette méthode de gouvernance pourrait compenser le désamour croissant pour la politique. Et jouer sur l'image de la maire socialiste.
Ce n'est pas nouveau pour Anne Hidalgo, qui avait déjà remis ce procédé au goût du jour lors de son premier mandat en créant le budget participatif parisien. Mais aujourd'hui, qu'il s'agisse d'un simple «questionnaire», d'une «consultation citoyenne» ou même «d'états généraux», il y en a pour tous les goûts. Au risque d'une indigestion face aux nombreuses participations présentes au menu de la plate-forme internet idée.paris.fr.
Cette «concentration de consultations» s'explique par les «nombreux chantiers à engager en ce début de mandature», ainsi qu'une volonté «d'accélérer les démarches participatives», justifie auprès de Cnews le premier adjoint de la maire, Emmanuel Grégoire. «Nous essayons de nourrir le débat. Et pour cela, les consultations citoyennes sont très intéressantes grâce aux réponses apportées», explique le bras droit d'Anne Hidalgo.
Les grands caps fixés, les modalités à définir
Pour autant, la maire n'a pas l'intention de changer de cap politique. «Les grands objectifs sont largement partagés. Il y a eu une campagne des municipales avec des programmes clairs de la part d'Anne Hidalgo et de moi-même», témoigne David Belliard, ex-candidat des verts aux municipales et désormais adjoint chargé de la transformation de l'espace public.
En pointe sur ce sujet, il précise que «la consultation est essentielle pour dessiner le chemin à emprunter». En clair, les objectifs sont ceux fixés dans le programme d'Anne Hidalgo, mais la manière de les accomplir peut être dictée par l'avis des Parisiens. Même si les résultats ne plaisent pas ? «Oui, nous prendrons en compte les concertations, sinon elles n'auraient pas d'intérêt. Plus l'appropriation est grande, plus fortes seront les transformations», martèle David Belliard.
Néanmoins, le risque avec ces procédures est que les votants optent pour une voie différente, notamment en raison de la mobilisation de puissantes communautés d'internautes. Cela a ainsi été le cas dans la concertation sur l'abaissement de la vitesse à 30 km/h dans tout Paris. Au point que Charles Maguin, influent président de l'association de défense des cyclistes Paris en selle, s'est inquiété sur Twitter de la «mobilisation des anti-ville apaisée». Un message partagé par David Belliard lui-même :
Dans l'entourage de Rachida Dati, on critique une Anne Hidalgo «bunkerisée pendant la campagne des municipales, et qui ne va toujours pas au contact des parisiens». «C'est sa spécialité», tacle Nelly Garnier, porte-parole du groupe Les Républicains au conseil de Paris, «quand elle ne veut pas, elle met en scène des consultations pour éviter de se confronter aux vraies associations locales. Elle ne se met pas en danger».
Une autre des limites de cette démocratie participative est la... participation. Certaines de ces consultations ne suscitent guère d'enthousiasme, n'attirant parfois que quelques dizaines de votants. «Comme beaucoup de projet, ils nécessitent de la pédagogie», commente sobrement Emmanuel Grégoire.
«Certains sujets, comme les parkings ou le stationnement, sont plus mobilisateurs. Ils passionnent et créent du débat. D’autres sont un peu plus lointains ou difficiles à appréhender. Peut-être faut-il mieux les mettre en avant ou trouver le bon format», s'interroge David Belliard.
Le Covid, frein à l'engagement
Difficile également pour l'adjoint écologiste de ne pas blâmer le coronavirus : «Avec le contexte sanitaire, on ne peut pas faire de grand raout et mettre beaucoup de gens autour de la table. Le numérique est plus diffus et a ses limites». On peut penser par exemple aux assises de la mobilité et du stationnement, l'une des annonces fortes d'Anne Hidalgo pendant sa campagne, et dont la version numérique est plus confidentielle que prévue. Ses 15.000 participants en font toutefois la concertation la plus populaire sur le site idées.paris.fr.
Dans tous les cas, par leurs annonces et leurs existences, ces consultations peuvent participer à gommer l'un des traits négatifs attribué par ses détracteurs à l'élue de gauche, qui est régulièrement accusée de «diriger seule». «C'est toujours la même chose, quand on ne fait pas de concertation on est taxé d'autoritarisme, et quand on le fait, c'est par tactique politicienne», s'agace David Belliard.
«Vues les relations de tensions avec les autres groupes politiques au sein de sa majorité, on ne peut pas dire qu'Anne Hidalgo dirige de manière fluide et apaisée», pointe Nelly Garnier. Après des dissensions cet été avec les écologistes qui ont conduit à la démission de Christophe Girard, son adjoint à la culture, la maire socialiste a lancé une violente attaque à ses alliés verts fin novembre, sur leur rapport à la République.
«Si elle pouvait respecter les groupes de sa majorité, et de son opposition, recevoir tous les collectifs de riverains et être à l'écoute de tous ceux qui l'interpellent, ça serait déjà bien. C'est cela une maire qui avancerait dans la consultation», poursuit la proche de Rachida Dati.
Sans surprise, ces critiques sont balayées par l'entourage d'Anne Hidalgo. «Même si articuler les contraires n'est pas toujours simple, elle nous incite à multiplier les échanges pour construire largement les projets», rétorque Emmanuel Grégoire. «C'est loin d'être la personne la plus autoritaire que je connaisse», témoigne son bras droit, pour qui la maire est avant tout une «femme qui arbitre et qui le porte politiquement».
Une méthode qui pourrait aider la socialiste à modeler son image en vue d'une hypothétique candidature à la présidentielle 2022. D'ailleurs, le recours à la «co-construction» s'est aussi imposé chez Emmanuel Macron, avec la Convention citoyenne sur le climat et même, d'une certaine façon, avec les cahiers de doléance et le grand débat lors de la crise des gilets jaunes. La démocratie participative pourrait ainsi devenir un enjeu clé pour la prochaine campagne.