Délogé du Champ-de-Mars (7e) où il avait été érigé il y a 20 ans, le Mur de la Paix – réalisé par l'artiste Clara Halter et l'architecte Jean-Michel Wilmotte – n'en finit plus de déranger. Alors que l'œuvre doit être installée avenue de Breteuil (15e), plusieurs voix se sont élevées contre. Dernière en date, celle des Ecologistes parisiens.
Le groupe Ecologiste a annoncé ce jeudi 26 novembre qu'il déposera un vœu contre l'installation du Mur de la Paix avenue de Breteuil (15e) lors du prochain Conseil de Paris, qui doit se tenir les 15, 16 et 17 décembre prochains. En cause, la dénaturation des espaces verts situés sur la très chic avenue parisienne, qui fait la jonction entre le 7e et le 15e arrondissement.
Dans un tweet, Aminata Niakate, élue écologiste du 15e arrondissement, a en effet indiqué qu'il serait préférable de trouver «un emplacement plus minéral [...] pour accueillir le Mur de la Paix» plutôt qu'un «espace vert». Pour autant, la conseillère de Paris a assuré qu'il s'agissait d'un «symbole de paix et de fraternité à préserver».
L'élue souhaite donc que le «projet soit suspendu» et que l'exécutif «renonce à le mettre avenue de Breteuil sur un jardin». «Cela va à contre-courant des objectifs poursuivis par la ville qui prétend vouloir préserver des ilôts de fraîcheur», fait-elle savoir, précisant essayer «de faire infléchir» l'exécutif à ce sujet «afin qu'il propose un lieu qui conviendrait à tout le monde, et ce, en concertation avec les riverains».
Préférons un emplacement plus minéral à cet espace vert pour accueillir le Mur pour la Paix, symbole de paix et de fraternité à préserver ! @carine_rolland @MinistereCC @R_Bachelot https://t.co/fOxJdSE9EZ
— Aminata Niakate (@aminataniakate) November 26, 2020
L'Absence de concertation en question
Et les verts ne sont pas les premiers à se montrer sceptiques quant au futur emplacement du Mur de la Paix. Mobilisés contre ce projet, de nombreux riverains avaient déjà dénoncé l'absence de concertation concernant cette installation, qui – selon eux – boucherait la perspective et nécessiterait le coulage sur les pelouses d'une dalle de béton de 150 m2, afin d'accueillir l'édifice d'environ 8 mètres de haut.
Une pétition a d'ailleurs été mise en ligne il y a un mois par l'association de riverains SOS Breteuil sous le nom de «Non au Mur Avenue de Breteuil en face des Invalides et sur une pelouse protégée». Ce jeudi, 5.372 personnes avaient signé ce texte, réclamant l'installation du monument «dans un autre lieu, sur un site plus approprié et moins préjudiciable pour les usagers».
Un avis partagé par le groupe des Republicains au Conseil de Paris, qui avait déposé un vœu contre lors du Conseil de Paris du mois d'octobre. A l'époque, les élus LR avaient proposé d'autres emplacements, tels que la Villette, devant le ministère des Armées à Balard ou encore Porte de Vincennes, qui n'avaient pas été retenus. Pour la conseillère de Paris élue dans le 15e arrondissement Agnès Evren, il est tout simplement «impensable et inenvisageable de casser cette perspective classée».
«Nous sommes à fond derrière les riverains [...] pour montrer notre détermination non pas contre le Mur de la Paix mais sur le choix de son emplacement avenue de Breteuil qui neutraliserait 500 m2 de pelouse et une aire de jeux pour enfants et qui casserait la perspective sur les Invalides», témoigne Agnès Evren, qui déplore la «méthode de gouvernance verticale d'Anne Hidalgo, qui s'est faite sans consultation des riverains, ni des maires d'arrondissements impactés du 7e et du 15e».
Un accord remis en cause ?
Sauf que l'écrivain Marek Halter, qui défend depuis des années l'œuvre de sa femme, a d'ores et déjà obtenu le co-financement de l'oeuvre par l'Etat et la Ville de Paris. Il a également obtenu l'accord des élus parisiens, qui ont majoritairement voté en faveur du déplacement du Mur de la Paix sur l'avenue de Breteuil, lors du Conseil de Paris du mois d'octobre. Et si les travaux n'ont pas encore commencé, cette sculpture telle qu'elle existait devant l'Ecole Militaire a déjà été démontée, pour laisser place à la construction du Grand Palais éphémère, et doit même être entièrement remodelée.
Interrogé, l'homme de 84 ans ne comprend pas comment les élus parisiens ont pu voter en faveur du projet au mois d'octobre et changer d'avis «sous pression». «Il y a toute une campagne qui s'est mise en marche, tout un lobbying qui s'est créé entre amis, avec des avocats et médecins qui travaillent dans le coin et qui ont lancé une pétition contre», lance-t-il, ajoutant que le Mur de la Paix était un «monument symbolique, unique en Europe» pour lequel il était prêt à «se bagarrer».
Quant à la destruction des jeux pour enfants, Marek Halter affirme qu'il s'agit d'un «mensonge». «On n'allait pas détruire un espace réservé aux enfants, l'idée est de mettre le Mur de la Paix entre ces deux espaces», a-t-il corrigé, assurant que les enfants pourront ainsi «lire et jouer autour». «Ils pourront enfin apprendre le mot paix dans toutes les langues alors qu'il est aujourd'hui impossible de l'enseigner dans les écoles de la République», a-t-il ironisé.
Repensé par l'architecte Jean-Michel Wilmotte, le nouveau Mur de la Paix – qui ressemblera à un livre transparent – doit être installé sur une marche en pierre de 45 cm de haut. Larges de 5 mètres et hauts de 7,55 mètres, les deux panneaux du livre seront quant à eux réalisés en verre et reliés entre eux par une double lame en métal. Et si son installation n'a pas encore débuté, Marek Halter estime que les élus parisiens ne pourront pas empêcher sa construction, assurant avoir le soutien de l'Etat et du Président de la République «par écrit».
deux autres emplacements proposés
Alors où pourrait être installée cette sculpture monumentale ? Selon Aminata Nakiate, plusieurs «suggestions» ont émané des divers débats à ce sujet notamment lors du conseil de Paris du mois d'octobre. Parmi elles, le parvis de l'Unesco, place de Fontenoy (7e), où le Mur de la Paix aurait d'ailleurs dû s'installer en 2000, ou encore le Parc André Citroën (15e). Deux emplacements qui conviendraient également aux Républicains.
Reste selon l'élue à «étudier la faisabilité technique» de l'installation de cette oeuvre à ces endroits. «Je comprends que les auteurs de cette oeuvre souhaitent un endroit prestigieux», mais il faut selon elle, «réfléchir à un emplacement qui convienne à tout le monde, aux artistes comme aux riverains».
Des propositions qui semblent complètement farfelues aux yeux de Marek Halter, qui assure qu'il n'y a pas la place d'installer le Mur de la Paix devant l'Unesco. «Pourquoi ne pas installer ce monument sur la Lune ? Mais je ne suis pas Dieu», a-t-il finalement conclu.